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Après Thagaste, Khemissa, (Tubursicum Numidorum), Madaure, Timgad, Lambèse, nous voici devant ces gorges d'El-Kantara si souvent décrites et toujours admirées dans l'éclat de la lumière, la diversité des tonalités et les formes des enrochements. La rivière féconde les 100.000 palmiers et les jardins.

C'est la porte qui s'ouvre sur le désert, c'est la brusque opposition de la verdure et de la fraîcheur à la région nue et désolée qui sépare El-Kantara de Biskra, cette seconde oasis où, au milieu des sables blonds et dorés, l'eau des séguias, sous le soleil ardent, donne la vie et la force aux palmiers, aux arbres et aux fleurs.

El-Kantara, c'est le pont dont le nom traduit en arabe a été appliqué à l'oasis. M. Stéphane Gsell nous a fourni sur le pont romain qui relie les deux rives de l'oued les notes suivantes : " ce pont, d'origine si ancienne, s'est conservé intact jusqu'à nos jours, mais le Génie militaire l'a restauré d'une manière maladroite en 1862... Il se trouve en amont de l'oasis, à l'entrée d'une gorge étroite qui sépare deux régions nettement distinctes et qui, selon la légende antique, avait été ouverte par le talon d'Hercule (calceus Herculis). La route de Lambèse au désert passait sur ce point.. Le pont, dans plusieurs de ses parties, est orné de motifs de décoration... "

A côté on a trouvé, en 1844, un petit autel scellé dans le rocher et dédié au dieu Sylvain avec cette inscription : " Claudius Gardianus légat d'Auguste a restauré... " Puis une date 188. Ce Claudius Gardianus était légat de Numidie en l'an 188 de notre ère. Document précieux qui permet d'attribuer une date à ce pont et peut-être à l'occupation romaine un peu antérieure sans doute.

Notre peintre Fromentin, un des premiers voyageurs qui aient franchi la porte d'or, la bouche du Sahara (Foum-ès-Sahara), en février 1848, nous donne ses impressions. A cette époque lointaine, l'oasis ne comptait que 25.000 palmiers ; aujourd'hui, elle en a quatre fois plus. N'empêche que l'artiste fut séduit par tout ce qu'il voyait pour la première fois :

" Les palmiers, les premiers que je voyais, ce petit village, couleur d'or, enfoui dans des feuillages verts déjà chargés des fleurs du printemps ; une jeune fille venait à nous, en compagnie d'un vieillard, en costume rouge et portant une amphore de grès sur sa hanche nue ; cette première fille à la peau blonde, belle et forte d'une jeunesse précoce, encore enfant et déjà femme ; ce vieillard abattu, mais non défiguré par une vieillesse hâtive ; tout le désert m'apparaissait ainsi sous toutes ses formes, dans toutes ses beautés et dans tous ses emblèmes... "

L'oasis d'El-Kantara comprend trois villages ou " decheras ", Krekar, sur la rive gauche, Dahraouïa, sur la rive droite, et Kbour-el-Abbas, au confluent de l'oued-el-Kantara et de l'oued Bou-Badia. La population de cette agglomération est évaluée à 3.300 habitants. Les palmeraies et les jardins s'étendent sur une longueur de 5 kilomètres environ.

 
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