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avaient été brûlées et détruites, nous disait-il ; il serait bien plus sûr de nous retirer dans la citadelle avec les sœurs de charité, qui s'y étaient déjà réfugiées, et d'y attendre que l'ordre fût rétabli. Heureusement que nous ne nous laissâmes pas gagner par la peur, et bien nous en prit : car, si nous eussions remis notre voyage à quelques jours plus tard, il nous eût été alors impossible de l'effectuer sans courir de grands dangers. Voyant que notre résolution était irrévocable, le commandant nous donna une escorte de spahis très beaux à voir, en vérité, mais qui nous auraient, je crois, rendu peu de services si nous eussions rencontré les insurgés.
 
Type de spahi.
 

L'un deux avait une physionomie profondément scélérate, et sa cruauté envers son cheval nous le fit prendre en horreur : il enfonçait continuellement dans les flancs de sa monture ses longs éperons arabes (aiguisés comme un couteau et garnis en plus d'une longue pointe de fer). A la fin, voyant que la pauvre bête était ruisselante de sang, nous le priâmes de mettre pied à terre et de quitter ces horribles éperons. La crainte que nous ne fissions un rapport défavorable sur lui à ses chefs, l'engagea seule à se 

    

 

   
conformer à nos injonctions. Je suis bien portée à croire que les contes dont on a bercé notre enfance touchant l'affection de l'Arabe pour son cheval, sont de pures fictions. Jamais je n'ai vu traiter les animaux avec autant de cruauté qu'en Algérie. Un jour que tout indignée je m'efforçais de faire comprendre à un Arabe que, s'il était en Angleterre ou en France, on le mettrait en prison, parce q 'il y avait une loi dans ces pays pour empêcher la cruauté envers les animaux, il me répondit en ricanant que, si cette loi était en vigueur en Algérie, la population tout entière serait alors mise en prison séance tenante. J'avoue que c'est la seule chose qui ait gâté le plaisir que j'ai goûté en Algérie : car il est affreux de voir maltraiter de pauvres bêtes, qui n'ont pas, comme les hommes, la ressource de se plaindre des maux qu'on leur inflige.

Mais revenons à notre voyage.

 
 
 
 
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