|
Nous trouvâmes près d'El-Outaïa
la route bloquée par des chameaux et des Arabes qui criaient
et gesticulaient comme à l'ordinaire : ils avaient été
saisis d'une terreur panique ; et, de crainte de tomber entre
des mains ennemies, ils se hâtaient d'emmener leurs troupeaux
dans des campements moins exposés.
|
|
|
|
Au caravansérail d'El-Outaïa,
les propriétaires pleuraient d'épouvante. " Quinze
mille Arabes, disaient-ils, étaient à quatre kilomètres de
là, et ils seraient tous infailliblement massacrés par eux,
s'ils ne prenaient à l'instant la fuite. " Lorsque nous
leur demandâmes à déjeuner, ils firent la sourde oreille et
se contentèrent de crier : " Les Arabes ! les Arabes!
". Comme il n'y a qu'un pas du sublime au ridicule, moi
qui venais de m'apitoyer de |
|
|
|
|
tout mon cœur sur le sort de ces
pauvres gens qui étaient à la veille de perdre tout ce
qu'ils possédaient, je ne pus m'empêcher d'éclater de rire
en voyant une bonne vieille qui se cachait la tête dans son
tablier, tant elle était désespérée, en s'écriant :
" O mon cochon ! mon cher cochon ! " Nous eûmes
beau leur conseiller d'être calmes et de rester
tranquillement chez eux, au moins pour quelque temps, toutes
nos exhortations furent inutiles ; on ne voulait pas les
écouter, et l'on traitait de folie notre projet de pousser
jusqu'à El-Kantra. On nous assurait que nous ne manquerions
pas de rencontrer l'ennemi, qui n'était qu'à une demi-heure
de distance, qui avait déjà incendié la ferme de M. S...,
et qui se dirigeait sur El-Outaïa. Afin de les tranquilliser,
nous promîmes de leur envoyer un de nos spahis pour les
avertir du danger, dans le cas où nous rencontrerions les
éclaireurs des Arabes insurgés, sur les collines des
environs. Nous nous mîmes donc en route et n'aperçûmes rien
du tout, ni une tente ni un cavalier, pas une âme, en un mot,
avant d'arriver à El-Kantra, sauf quelques petits pâtres,
qui prirent la fuite sitôt qu'ils aperçurent notre
diligence. |
|
J'ai pensé plus d'une fois que
les terreurs paniques des Français au sujet des Arabes
créent souvent les maux qu'ils redoutent, et je ne crois pas
que dans la dernière insurrection il y ait eu beaucoup de
désastres à signaler, à l'exception de quelques fermes
détruites près de Lambessa, de sorte que le colonel de la
petite garnison de Biskra aurait pu dormir tranquille. |
|
|