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tout en avant l'air de le faire par mégarde.

Le lendemain matin, à trois heures et demie, nous retournâmes chez la fiancée, car tout n'était pas fini. La cour intérieure était remplie d'hommes et de musiciens. Dans un salon mauresque, au fond d'une alcôve, se trouvait, la jeune fille en grande toilette, complètement enveloppée d'un voile de gaze blanche ; une écharpe rouge brodée d'or était disposée gracieusement sur sa tête et retombait par derrière. A ses côtés étaient assis deux vieillards à longue barbe blanche ; un troisième, debout devant elle, tenait un candélabre à trois branches : c'étaient des rabbins, qui chantèrent des psaumes et des cantiques où il était question d'une colombe aux beaux yeux. Pendant ce temps, les musiciens faisaient un vacarme infernal dans la cour. Du haut d'un balcon sculpté, des Juives assistaient à la cérémonie. Elles portaient de riches vêtements de velours et de satin marron, des ceintures en brocart d'or et des coiffures en soie noire, dont les barbes étaient brodées d'or : c'est le costume invariable de leur race.

La fête durait depuis plusieurs heures, et la pauvre petite mariée avait l'air de n'en pouvoir plus. De temps à autre, afin de la réconforter, on la forçait d'avaler bon gré, mal gré, quelques cuillerées de potage. Puis on la conduisit dans la cour, où les chants reprirent de plus belle à son approche. Pour varier le spectacle, un bouffon vint danser devant elle. On lui donna pour récompense une pièce de dix francs, qu'il garda dans sa bouche tandis qu'il chantait d'une voix traînante une chanson burlesque, qui devait être du plus haut comique, car tout l'auditoire se tordait de rire. On essaya de tous les moyens pour dérider la jeune épousée ; on allait même jusqu'à la tapoter et lui pincer le menton : peine inutile! elle restait impassible, car il était dans son rôle de garder un maintien grave et sérieux, pour démontrer qu'elle était d'âge à se marier.

Tout à coup le même cri perçant et étrange de " Li ! li! li ! " se fit entendre dans la cour extérieure, et fut immédiatement répété par tous ceux qui étaient dans la maison et au dehors.

    

 

   
Le cortège se mit en marche.
 
Je pensais involontairement aux paroles de l'Évangile : " Voici l'époux qui vient! " tant les anciennes traditions sont encore fidèlement observées aujourd'hui chez les Israélites. J'avoue que grande fut ma déception lorsque je vis paraître un jeune homme à l'air très ordinaire, vêtu de notre affreux habit noir et coiffé d'un fez rouge : c'était le mari! Aussitôt toutes les femmes présentes de se
 
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