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   fixa la langue théologique et mystique du christianisme. Ses idées ont été exploitées non seulement par l'Église elle-même, mais encore par beaucoup de ceux qu'elle a condamnés comme hérétiques. La puissance des chrétiens d'Afrique, ainsi que leur attachement au latin, est marquée par le fait que ce sont eux qui l'imposèrent comme langue liturgique à l'église d'Occident.

Païenne ou chrétienne, grâce aux bienfaits de la paix romaine, l'Algérie connut une prospérité qu'elle ne retrouva pas avant de longs siècles. Quand on songe à ce qu'était l'Algérie turque, on a peine à croire que l'Afrique du Nord ait pu fournir à Rome la moitié ou les deux tiers de son blé, et même la totalité après la fondation de Constantinople.

La différence est si frappante qu'on s'est demandé s'il n'y avait pas eu changement de climat. On peut affirmer qu'il n'en est rien, et que la prospérité romaine était due simplement à ce que nous appelons aujourd'hui une politique de l'eau singulièrement efficace. Depuis l'époque romaine, le régime des eaux a été modifié par les déboisements qu'ont entraînés les dévastations provenant des invasions successives. Surtout on a laissé se dégrader des travaux hydrauliques qui avaient été réalisés non pas à la diligence du gouvernement central, mais sur l'initiative des Cités (dont le territoire comportait normalement une banlieue étendue) et des particuliers, des grands propriétaires. La distribution de l'eau avait été l'objet de soins particuliers, et elle était soumise à une réglementation précise empêchant le gaspillage et l'abus.

En même temps que la culture du blé, s'étaient développées celles de la vigne, de l'olivier, de l'amandier, du figuier, encouragées par des exemptions d'impôts et dans certains cas par la concession d'un droit de propriété héréditaire. L'élevage était aussi très florissant, celui du mouton, du boeuf, et surtout celui du cheval. La petite histoire enregistre des victoires de chevaux algériens sur les hippodromes de Rome; ce qui apporte une confirmation à la théorie suivant laquelle les étalons barbes, loin d'être des descendants du cheval arabe, ont au contraire contribué à lui donner sa valeur.

Lés différentes parties de l'Algérie étaient reliées entre elles par des routes telles qu'en avait construit Rome dans toutes les autres parties de son Empire. Nées de la conception stratégique qui cherche la sécurité dans le mouvement, ces voies de communication servaient également au commerce. On en comptait trois principales allant de l'Est à
      

l'Ouest et complétées par des rameaux détachés et des rocades parallèles. Ce réseau suffisait parfaitement aux besoins de l'époque.

Bref, l'Algérie romaine se présentait comme une contrée riche, peuplée, civilisée. Son plus beau moment se place dans les dernières décades du deuxième siècle et dans la première moitié du troisième.

 

IV

Les Vandales et les Byzantins


Si avantageuse qu'ait été, pour celles qui l'acceptèrent, l'administration romaine, toutes les populations englobées dans la frontière militaire ne s'y soumettaient pas avec une égale bonne volonté. Dès le milieu du IIIème siècle, des révoltes se produisirent chez les Maures, puis en Kabylie. Des erreurs administratives, des exactions en furent peut-être l'occasion; la raison profonde semble avoir été la romanisation moins profonde résultant des conditions géographiques (Aurès, Djurdjura, Ouarensenis) et provoquant le réveil des instincts ancestraux de pillage. Ces premiers soulèvements furent réprimés péniblement.

La décadence progressive de l'Empire romain en favorisa de nouveaux par la suite jusqu'au moment où elle permit l'invasion des Vandales. Les causes générales de cette décadence sont assez connues. Elles prirent un aspect particulier en Afrique du Nord et en Algérie.

La tendance à l'exploitation purement fiscale du pays se fit jour assez vite, et la population ne trouva pas les appuis naturels sur lesquels elle aurait pu compter. L'aristocratie romanisée constituée dans les provinces de l'Afrique du Nord fut bientôt plus romaine qu'africaine. Les grands domaines administrés par des intendants prirent une extension toujours plus considérable, les moyens et petits cultivateurs ne trouvant pas de crédit en cas de crise agricole et étant obligés de vendre leurs terres. L'exploitation par les intendants fut dirigée de manière à assurer non seulement les revenus du maître, souvent absent, mais encore l'enrichissement de son représentant.

 
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