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agraire, différemment orientée - on l'a vu - suivant les
tendances, les nécessités sociales et économiques, les
conceptions de l'intérêt national, qui se sont fait jour au cours
de ce siècle. Cette politique revêt à nos yeux l'aspect non pas
d'une ligne droite de deux points connus, l'un prés de nous, le
passé, l'autre lointain, l'avenir, mais d'une ligne aux ondulations
molles ou profondes qui n'est pas le symbole d'une commode
indécision, mais bien l'expression, de la part de la France, du
désir de faire ici, comme ailleurs, oeuvre humaine.
Quels ont été les résultats de chacun des systèmes mis en
application pour réaliser la pensée et les buts du législateur?
C'est ce qui est intéressant de savoir.
L'ordonnance du 21 juillet 1846 a abouti à la délivrance des
titres portant sur 54.994 hectares attribués aux Européens, 31.878
consolidés entre les mains des indigènes, 95.721 reconnus à
l'État; 28.100 hectares étaient classés litigieux. On a vu que,
dans un sentiment d'équité, l'administration avait été amenée
à prendre des mesures bienveillantes vis à vis des indigènes
atteints par de trop rigoureuses déchéances : 28.000 hectares leur
furent ainsi remis à titre gratuit, tandis qu'à la suite de
transactions et partages, l'État recevait 19.000 hectares et divers
particuliers européens ou indigènes 2.000.
Les mesures de cantonnement eurent pour effet de constituer la
propriété sur 46.000 hectares, tandis que l'unique application
faite de la 38 opération prévue par le SénatusConsulte de 1863,
aboutissait à faire titrer 7.355 hectares. Les vastes opérations
des lois de 1873-1887 ont permis de leur côté de franciser plus de
deux millions d'hectares (2.239.095) tandis que la loi du 16
février 1897 - encore en vigueur sous réserve des retouches
apportées par la loi du 4 août 1926 - a fait passer sous le statut
français prés d'un million d'hectares (979.278). Par ailleurs
l'application des deux premières opérations édictées par le
Sénatus-Consulte du 22 avril 1863 a permis de reconnaître, dans le
territoire des tribus fractionnées en douars, les grands groupes de
propriété-arch ou melk (dans lesquels a été ou sera, suivant les
modalités propres à chaque loi, constatée ou constituée la
propriété individuelle) domaniaux ou communaux, où chaque
collectivité - état ou douar - peut faire respecter les droits
qu'elle tient des textes réglementaires. |
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Ces opérations ont porté sur la presque totalité du territoire,
ainsi qu'en témoignent les chiffres suivants :
Superficie de l'Algérie du Nord |
20.812.260 ha |
Superficie délimitée et
répartie en douars et groupes de propriété (dont une
partie : 4.334.451 hectares hors de la zone tellienne) |
18.247.050 ha |
Prés d'un million d'hect.
représentant, pour la plus grande partie, les terres de
tribus désagrégées par les circonstances et qui se sont
trouvées soustraites à l'application des textes sur la
matière |
935.425 ha |
Une partie de 1.629.725 restant,
fait l'objet d'opérations actuellement en cours |
1.629.785 ha |
Total ..................... |
20.812.260 ha |
Il est permis de penser que l'œuvre sera complètement achevée
d'ici quatre ou cinq années dans l'Algérie du Nord.
L'ensemble des données qui précédent constitue le bilan de chacun
des stades législatifs de l'organisation foncière algérienne.
Mais c'est là un aspect administratif du problème. Or, c'est à
son aspect économique et social que la question emprunte son
principal intérêt. Dans la répartition des terres, le nom des
parties prenantes ne saurait davantage, au point de vue politique,
nous laisser indifférents.
Tout d'abord, deux propriétaires imposants: la collectivité Etat
et la collectivité Commune. Le Domaine du premier s'étendait en
juin 1928, sur 4.630.000 hectares.
Les forêts en couvrent prés de la moitié (2.240.000) ; quant au
surplus, on se tromperait singulièrement en se l'imaginant sous
forme de terres facilement utilisables par la Colonisation: terres
à alfa, terres de parcours des HautsPlateaux, la plupart du temps
grevées de droit d'usage au profit des tribus transhumantes, telle
est en réalité la composition de prés de la moitié du domaine
de l'État, si bien que, pour poursuivre son devoir national de
colonisation, c'est au système d'acquisitions que doit recourir
l'Administration.
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