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   des Touareg Hoggar et son représentant attitré du point de vue moral.
On a déjà souvent fait le portrait du Père de Foucauld, mais sa béatification prochaine, suivie peut-être de sa sanc­tification, fait perdre de vue, me semble-t-il, les grands traits du caractère de ce missionnaire qui fut avant tout un grand Français, un soldat et dont la charité et l'humanité profondes furent les qualités dominantes.

Grand Français ! toute sa correspondance (et elle fut nombreuse) le démontre. Avant tout il veut que la France réalise à tout jamais son empire sur le bloc africain occidental. Toute tentative de liaison fraternelle, tout projet de route nouvelle, de ligne télégraphique, de chemin de fer, trouve en lui un partisan résolu et il encourage les auteurs
      

pour les malheureux et les plus méritants des récompenses qui les atteindront. Jamais plus heureux que s'il a pu con­vaincre son vieil ami Ouksem de mieux traiter ses cultivateurs, ou d'essayer dans ses champs quelque culture nouvelle qui amènera du mieux être.

II est fier de ses amis et de ses élèves et chaque fois que passe un officier à Tamanrasset, il l'accueille à bras ouverts et organise pour lui des fêtes indigènes où les dames touaregs sont conviées et où l'on chante, joue de l'amzad, où l'on vit comme dans de véritables ahal (cours d'amour).

Et son esprit d'humilité ! La popularité, la publicité, le laissent indifférent. Il ne veut pas qu'on parle de lui. Il écrit des ouvrages remarquables de sociologie et de linguistique touareg. Il les intitule : « Essai de dictionnaire » et les met sous la signature d'un ami. On voit cette âme ardente d'homme d'action se contenir et se combattre toujours elle-même, pour se contraindre à l'humilité, mais le mot humiliation le réveillerait!

Et il faut ajouter à la liste des grands Français qui ont fait cette époque, Moussa Ag Amastane, aménokal des Touareg Hoggar. Je le rencontrai pour la première fois en juillet 1914, à Tin Tarabin, centre de cultures du Hoggar, situé tout auprès de Bir El Gharama, lieu du massacre de la colonne Flatters que le venais de visiter. Il vint au-devant de moi, à pied, vêtu de ses plus beaux, atours, le sabre des nobles en bandoulière, ses grands yeux noirs cachés à demi par le nikab et le litham.

Par l'intelligence et la finesse, Moussa était très nettement le premier de sa tribu. Après avoir compris dès le début que la résistance à l'influence française marquerait la disparition des restes des Kel Ahaggar, il s'était, en 1904, rallié franchement à nous. Le colonel Laperrine, avec sa vivacité et sa grande bonté si loyale, avait immédiatement fait sa conquête et si le chef touareg comprenait moins bien les dessous bien compliqués pour lui de l'âme religieuse du Père de Foucauld, du moins voyait-il en lui le représentant spirituel du grand chef et vénérait-il ses qualités de modestie et de charité qui entraînaient tous les cœurs.

Moussa nous était définitivement et profondément rallié. On a pu supposer que sa fidélité subit quelques atteintes en 1917 lorsque après l'assassinat du Père de Foucauld il se retira quelque peu du Hoggar pour se rapprocher du Soudan et des bandes senoussistes.
je suis le témoin que jusqu'au dernier moment Moussa

 
Père DE FOUCAULD Moine soldat. Pour obtenir au désert la pax « gallica », premier résultat à atteindre, il est plus que personne d'avis d'employer les méthodes pacifiques d'apprivoisement. Mais contre les bandits irréductibles, les dissidents au­teurs de pillages et négriers sans scrupules, il veut la manière forte: « Prenez donc cinquante méharistes avec vous, me dit-il à notre première rencontre, en 1913 au Hoggar, allez dans le Djebel Sud marocain, enlever par surprise notre ennemi Abi­din qui depuis 15 ans pille sans arrêt et rançonne les noirs et les blancs de toute la région entre Hoggar et Niger - et lorsque vous l'aurez pris, pas de pitié - Fusillé! ».Et malgré cette fermeté virile, quel esprit de charité immense l'anime !
 Il est à Tamanrasset en contact direct avec les principales tribus nobles des Hoggar et leur chef Moussa Ag Amastane. I1 y a aussi des Dag Rali, vassaux à l'âme libre, intelligents et dévoués - et quelques centaines de Harratin qui cultivent l'arrem - Auprès de tous il se prodigue, donnant ses conseils aux chefs, des remèdes aux malades, demandant
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