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   Le vétéran, l'auxiliaire, avant de devenir laboureurs - ense et aratro -, ont été maçons. Ils ont poussé l'araire et brandi la truelle.
L'esthétique latine, en Afrique comme ailleurs, reste sans élan. C'est une veine étroite, à ramifications grêles. Le génie positif et civique de Rome se réalise dans des monuments où la puissance ordonnée l'emporte sur la fantaisie. La Ville Éternelle ne cherche pas à donner le sentiment d'une invention sans cesse renouvelée; elle veut laisser l'impression de la force, du monument trapu, majestueux, parfois inélégant, qui , sous son poids, tient le pays. L'arc de triomphe romain dédaignera en Afrique la hantise des thèmes nouveaux; il sera un sceau, banal peut-être, mais brutal; il gravera dans la glèbe berbère l'empreinte d'une domination. Malgré l'ambition de sa courbe, il ne découpera dans le ciel que de maigres pans d'idéal. Art impérieux, impérial et, osons le dire, impérialiste. Mais quelle leçon de force, de certitude, de confiance dans la destinée, quelle leçon de civisme! Djemila et Timgad mettent dans le paysage un ordre somptueux et tranquille. Ici, l'art magnifie la discipline, la discipline, cette vertu suprême des âmes libres.
Le Romain n'inventera rien: il bâtira des édifices de style hellène et, plus tard, hellénistique. Il découvrira seulement, et peut-être après les Etrusques, la voûte: il n'ajoutera aux ordres architecturaux que le toscan et le composite. Encore une fois, c'est un art de victoire. Rien de plus. A Rome, les styles se superposent; l'ordre architectural varie suivant l'étage; le théâtre de Marcellus, le Colisée, emploient le dorique, la colonnade ionique avec galerie corinthienne. L'arc, l'arcade, permettront l'érection de ponts audacieux; ils donneront le schéma de la voûte et du dôme.
En Afrique, la ville naquit dans le moule presque invariable d'un carré arrondi aux angles. Sur chaque face, s'ouvrait une porte principale. Deux voies issues des quatre portes se coupaient, comme à Lambèse, à angle droit. A l'intersection de ces artères, fut d'abord le praetorium; plus tard le forum, cœur vibrant de l'organisme municipal.
Les villes ainsi créées s'enorgueillirent de monuments à type hellénistique. Aucune intervention de l'État : la conception gouvernementale romaine parait avoir ignoré, en Afrique et au début tout au moins, l' " Etat-Providence ", la centralisation, la substitution du pouvoir aux initiatives locales. L'Empire est, pour employer en la déformant une curieuse image de Renan, un polypier où chaque centre
      

nerveux vit d'une vie originale et intense. Les magistrats municipaux consacrent à l'embellissement de la ville d'abondantes libéralités. D'autres les imitent. Les fonctionnaires impériaux donnent l'exemple. Snobisme intelligent: il est beau de jeter au vent les sesterces pour le bien-être de la collectivité. Il s'agit, pour un commerçant qui s'est enrichi à Besseriani (Sud-Constantinois), en prêtant à 15 % aux vétérans le capital qu'à 5 % il a lui-même emprunté aux changeurs de Rome, il s'agit de fonder à Timgad des thermes, un arc de triomphe, un temple. Proudhon appellerait cela une " reprise ". Le mécénat devient une manière d'expiation. La richesse se rachète par l'urbanisme. L'or brûle les doigts. Le ciment romain le purifie.


Le forum. - Le forum est le cœur de la cité. C'est là que se réunissent les habitants. Car le Romain, l'Africain latinisé, ignorent le " home ". Comme l'Andalous, comme l'Italien méridional, ils vivent dehors. On ne reste pas chez soi quand, sur les dalles retentissantes de chars, le soleil

 
Fig. 2 - DJEMILA : Forum
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