|
La douelle de la niche n'est point
surchargée, elle n'est point tapissée de cette végétation
touffue qui jusque-là avait concentré toute l'attention sur
elle. L'artiste a enfin compris qu'elle devait être traitée
en second plan; son ornementation gravée au trait est plutôt
esquissée et indiquée que fouillée, tandis que sur le fond
et les côtés du mirhab se répartissent, en une série de
compartiments, des rinceaux habilement traités. Tantôt deux
branches s'échappent d'un vase et se tordent symétriquement
en une série d'inflexions concentriques, où s'épanouissent
des fleurs et des grenades (fig. 26). |
|
Ailleurs, un assemblage polygonal
apparaît comme l'indice d'une aspiration secrète. Son motif
ne comprend que des triangles, des pentagones ou des losanges
réguliers ou dont les côtés sont semblables : un fleuron
les orne, mince et vigoureusement découpé. Ici , deux orbes
affrontés se relient à deux autres orbes plus petits,
s'entremêlent et pyramident; là, trois spires tangentes
décrivent un triangle trilobé ; ailleurs, une guirlande
serpente dans une arcature; ailleurs, une arabesque s'appuie
à une base fleurie et se palme dans une architecture dont
elle épouse le contour. Le thème de cette décoration, sinon
le faire, dérive de la sculpture copte, et répète une fois
de plus d'une façon frappante les stèles des cimetières de
haute Égypte, ou même certains bas-reliefs de Ravenne
classés parmi les monuments byzantins1. |
|
Incertain, le sculpteur hésite
entre un passé qu'il voudrait dépouiller et l'expression
insatisfaite d'un idéal vague qu'il ne sait comment
préciser. |
|
1. Al. Gayet, la
Sculpture copte (Gazette des Beaux-Arts, 1892).
|
|
|
|
|
Et ce passé n'en revit que plus
intense dans ces boiseries, où, quoi qu'il fasse, le rinceau
rappelle le cep de vigne chargé de pampres, et la rosace
étoilée1, le pain eucharistique du symbolisme
chrétien primitif. Timidement, il poursuit dans l'assemblage
géométral le rêve inachevé, sans commencement et sans fin qui
l'obsède, l'image de ce mysticisme contemplatif, de cette "
délectation morose ", en laquelle il s'absorbe, et que, sans
y parvenir, ses devanciers coptes ont poursuivie avant lui.
Inhabile encore à se jouer des fractions d'angle, il s'en tient
de même que le copte aux combinaisons de carrés, de triangles,
de losanges et d'hexagones, et cette pauvreté si voisine de
l'indigence, dans un style où le compliqué est la richesse, n'en
fait que mieux ressortir son trouble et sa dualité. Vers la fin
du règne des Fatimites, cette hésitation enfin cesse. Les lianes
des arabesques et les feuillages des rinceaux se cachent sous les
polygones multiformes. Le meilleur exemple qu'on puisse citer de
cette manière est le mimber de la mosquée de Ghous, sculpté
sous le règne du khalife Dafer (545-1150). Les panneaux,
séparés les uns des autres par des encadrements lissés, sont
remplacés par un assemblage polygonal qui envahit tout le
monument : les lignes simples dont l'œil embrasse l'étendue par
un réseau continu dans lequel s'emboîte une arabesque. Les
inflexions de celle-ci se sont faites capricieuses; elles se sont
agrémentées de mille accessoires. Dans l'ensemble, elle n'est
plus qu'un léger rideau de fleurs tendu dans les mailles d'une
dentelle immense, ou comme une végétation entrevue à travers un
grillage épais. Mais en réalisant ainsi le problème de rendre
le lointain sans arrière plan et sans perspective, |
|
1. L'étoile des hosties coptes n'est elle-même
qu'une réminiscence de l'étoile hiéroglyphique, du signe
antique dont la lecture est dua ou tia, et qui
signifie adoration; en sorte qu'une polygonie semée de motifs
étoilés est, au point de vue symbolique, un scintillement
d'adoration. Voir Georg Ebers, Die Koptische Kunst : ein neues
gebiet der altchristlichen sculptur. |
|
|