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tirer profit. Ils se sont hâtés de se servir de la poste
française et, dès le premier jour, ont encombré de leurs
dépêches le bureau du télégraphe. Ils espèrent maintenant la
construction d'un chemin de fer; aussitôt qu'une route praticable a
été ouverte, un riche habitant de Beni Isguen, au grand scandale
des tolba fanatiques, a fait venir une calèche d'Alger.
Ce qui distingue surtout cette
population, c'est l'économie, la persévérance, l'ardeur au
travail. Personne ne reste inactif; tandis que les hommes et les
enfants sont occupés dans les jardins, les femmes confectionnent
des tissus de laine qui sont en partie exportés.
Du sol pierreux et desséché de la
Chebka, ils ont fait surgir les plus admirables jardins que l'on
puisse voir. II y a plus de 60,000 palmiers à Ghardaïa.
Sous les ombrages de leurs larges
feuilles qui tempèrent l'ardeur brillante du soleil, on voit tous
les arbres fruitiers de l'Algérie, des champs d'orge superbes, et
quelques légumes.
Des berges arides de la Chebka, lorsque
l'on arrive à Ghardaïa par l'ancienne route de Laghouat, on
découvre tout à coup une magnifique oasis verdoyante ; en sortant
de l'atmosphère embrasée d'une terre maudite, on respire un air
rafraîchi et embaumé. Après avoir péniblement cheminé dans
d'affreux ravins pierreux où l'on étouffe, on voit s'ouvrir devant
soi une superbe avenue ombragée, de deux kilomètres de longueur,
le long de laquelle les guirlandes de vigne courent d'arbre en
arbre.
Nulle part, sans doute, on ne trouve un
semblable contraste. Mais quel travail incessant réclame
l'entretien de ces jardins au milieu de la fournaise du Mzab ! Non
seulement il n'y a pas d'eau superficielle, mais les plus profonds
forages n'ont permis |
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d'atteindre ni une nappe artésienne, ni même une nappe
permanente. Les puits ne s'alimentent que par une lente
infiltration ; ils se tarissent comme se tarit l'eau d'un
réservoir où l'on puise sans relâche. Ils se dessèchent parfois
définitivement; il faut alors en creuser de nouveaux, abandonner
le jardin qu'on ne peut plus arroser et en créer un autre plus en
amont; c'est ainsi que l'oasis de Ghardaïa se déplace d'année en
année et s'éloigne de la ville en remontant la vallée, tandis
que le désert reprend ses droits sur les terres délaissées.
Le travail de puisage ne peut être arrêté un seul jour sous
peine de voir les cultures périr; on y emploie des chevaux, ânes
ou chameaux, et surtout des serviteurs noirs du concours desquels
les Mzabites ne sauraient se passer.
On a estimé à 180,000 le nombre des palmiers du Mzab. On évalue
à 800,000 francs leur produit annuel. Un palmier en rapport a une
valeur considérable, 500 à 600 francs, en moyenne ; elle
s'accroît encore par suite de la proximité des puits. Ceux-ci,
forés à 30 ou 40 mètres, coûtent environ 1000 francs.
Les habitants possèdent de véritables fortunes en numéraire; une
contribution de 60,000 francs ayant été imposée à Ghardaïa,
lors de l'annexion, en punition de sévices exercés contre nos
partisans, le payement en a été effectué en 24 heures. Aussi
exagéraient-ils la puissance de l'argent et ont-ils été
étonnés de n'avoir pu réussir à éviter l'annexion en 1883,
comme ils l'avaient fait jusqu'alors.
Lorsque les tolba, en 1853, avaient consenti avec le général
Randon une capitulation et le payement d'un tribut, ils pensaient
avoir acheté, moyennant une annuité de 45 à 50,000 francs, le
droit de gouverner le pays à leur guise, comme ils |
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