Pages précédentes GÉOGRAPHIE MILITAIRE  LIVRE VI ALGÉRIE et TUNISIE Pages suivantes
 - 154 -  Retour page Table des matières  - 155 -
   
   tirer profit. Ils se sont hâtés de se servir de la poste française et, dès le premier jour, ont encombré de leurs dépêches le bureau du télégraphe. Ils espèrent maintenant la construction d'un chemin de fer; aussitôt qu'une route praticable a été ouverte, un riche habitant de Beni Isguen, au grand scandale des tolba fanatiques, a fait venir une calèche d'Alger.

Ce qui distingue surtout cette population, c'est l'économie, la persévérance, l'ardeur au travail. Personne ne reste inactif; tandis que les hommes et les enfants sont occupés dans les jardins, les femmes confectionnent des tissus de laine qui sont en partie exportés.

Du sol pierreux et desséché de la Chebka, ils ont fait surgir les plus admirables jardins que l'on puisse voir. II y a plus de 60,000 palmiers à Ghardaïa.

Sous les ombrages de leurs larges feuilles qui tempèrent l'ardeur brillante du soleil, on voit tous les arbres fruitiers de l'Algérie, des champs d'orge superbes, et quelques légumes.

Des berges arides de la Chebka, lorsque l'on arrive à Ghardaïa par l'ancienne route de Laghouat, on découvre tout à coup une magnifique oasis verdoyante ; en sortant de l'atmosphère embrasée d'une terre maudite, on respire un air rafraîchi et embaumé. Après avoir péniblement cheminé dans d'affreux ravins pierreux où l'on étouffe, on voit s'ouvrir devant soi une superbe avenue ombragée, de deux kilomètres de longueur, le long de laquelle les guirlandes de vigne courent d'arbre en arbre.

Nulle part, sans doute, on ne trouve un semblable contraste. Mais quel travail incessant réclame l'entretien de ces jardins au milieu de la fournaise du Mzab ! Non seulement il n'y a pas d'eau superficielle, mais les plus profonds forages n'ont permis

    

 

   

d'atteindre ni une nappe artésienne, ni même une nappe permanente. Les puits ne s'alimentent que par une lente infiltration ; ils se tarissent comme se tarit l'eau d'un réservoir où l'on puise sans relâche. Ils se dessèchent parfois définitivement; il faut alors en creuser de nouveaux, abandonner le jardin qu'on ne peut plus arroser et en créer un autre plus en amont; c'est ainsi que l'oasis de Ghardaïa se déplace d'année en année et s'éloigne de la ville en remontant la vallée, tandis que le désert reprend ses droits sur les terres délaissées.

Le travail de puisage ne peut être arrêté un seul jour sous peine de voir les cultures périr; on y emploie des chevaux, ânes ou chameaux, et surtout des serviteurs noirs du concours desquels les Mzabites ne sauraient se passer.

On a estimé à 180,000 le nombre des palmiers du Mzab. On évalue à 800,000 francs leur produit annuel. Un palmier en rapport a une valeur considérable, 500 à 600 francs, en moyenne ; elle s'accroît encore par suite de la proximité des puits. Ceux-ci, forés à 30 ou 40 mètres, coûtent environ 1000 francs.

Les habitants possèdent de véritables fortunes en numéraire; une contribution de 60,000 francs ayant été imposée à Ghardaïa, lors de l'annexion, en punition de sévices exercés contre nos partisans, le payement en a été effectué en 24 heures. Aussi exagéraient-ils la puissance de l'argent et ont-ils été étonnés de n'avoir pu réussir à éviter l'annexion en 1883, comme ils l'avaient fait jusqu'alors.

Lorsque les tolba, en 1853, avaient consenti avec le général Randon une capitulation et le payement d'un tribut, ils pensaient avoir acheté, moyennant une annuité de 45 à 50,000 francs, le droit de gouverner le pays à leur guise, comme ils

 
Pages précédentes   Retour page Table des matières   Pages suivantes