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C'est lui, très-certainement, que je dois d'avoir terminé si vite et si bien cette grande affaire d'organisation. "

Un mois après, les chefs kabyles de l'est était convoqués à Alger pour recevoir leurs brevets revêtus de la signature royale, et quelques-uns des burnous d'investiture qu'on n'avait pu leur distribuer encore. En l'absence du Maréchal, ce fut le lieutenant-général De Bar qui présida cette réunion.

Le 6 juillet, une brillante cavalcade d'environ quatre cents cavaliers s'acheminait de la Maison-Carrée . ayant en tête sa musique de tambours et de haut-bois. honneur qui n'appartient qu'aux khalifas. C'est qu'en effet Ben Mahy-ed-Din était venu se joindre aux nouveaux cheikhs et aghas de la France. On envoya au devant d'eux, et la musique d'un de nos régiments les attendit à la porte Bab-Azoun.

Ils allèrent d'abord présenter leurs hommages au gouverneur par intérim qui, le surlendemain, les réunit en séance officielle dans la cour intérieure du palais, en présence des principaux fonctionnaires civils et militaires de la colonie, et leur adressa ces paroles :

" Vous êtes venus nous trouver en amis confiants, soyez les bienvenus. Je vous remercie, au nom du Gouverneur-Général, de vous montrer ainsi fidèles aux promesses que vous lui avez faites. Ce que la France veut, ce que vous devez aussi vouloir, c'est le maintien de l'ordre et de la sécurité : de l'ordre d'où naissent les relations, de la sécurité qui les assure. Depuis deux jours que vous êtes à Alger, vous avez pu juger de ce que peut la France contre ses ennemis, de ce qu'elle peut pour ses amis. Je vais vous remettre, à vous, aghas, les brevets par lesquels le Roi des Français confirme les pouvoirs que le Maréchal-Gouverneur vous avait confiés en son nom ; à vous, kaïds et cheikhs, les insignes de vos fonctions. 

    

 

   
" Soyez justes, soyez fidèles à la foi jurée, gouvernez avec modération, gardez-vous des exactions, ne vous laissez jamais séduire par nos ennemis, qui sont les vôtres, et la France vous protègera !

" - Il en sera ainsi, s'il plaît à Dieu, répondirent tous les chefs. Nous sommes prêts à mourir pour vous, ajouta le jeune Ben-Zamoun.

Les trois aghas et les chefs secondaires, après avoir juré sur le Koran, entre les mains du muphti, obéissance et fidélité au Roi des Français, reçurent alors les uns leurs brevets, les autres leurs burnous d'investiture.

En ce moment, le khalifa Ben Mahy-ed-Din pria le lieutenant-général de lui accorder la parole pour adresser quelques conseils à ses nouveaux collègues.

" Aujourd'hui, leur dit-il, vous jugez à quel point les méchants vous avaient trompés. Les Français sont aussi bienveillants pendant la paix que redoutables à la guerre. Ralliez-vous franchement à eux ; et votre pays, que les dissensions déchiraient, prospèrera. Si vous en voulez un exemple, jetez les yeux sur celui que je gouverne. Les Français, après la victoire, pouvaient vous prendre tout. N'ont-ils pas respecté vos femmes, vos biens, votre religion ? Ici, comme autrefois, les musulmans n'ont-ils pas leurs mosquées, leurs imams ? Ne rencontre-t-on point partout justice pour le faible et pour l'opprimé ? Croyez-moi donc, soyez fidèles aux Français, car le bien est avec eux !... "

La physionomie de Ben Mahy-ed-Din, sans avoir rien perdu de son calme ordinaire, et immobile pour un oeil peu scrutateur, trahissait cependant, à celui d'un observateur attentif, certains mouvements de glorieuse satisfaction.

 
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