La fin du dixième siècle ayant
coïncidé avec l'affaiblissement des empires musulmans
d'Afrique et d'Espagne, Gênes, Pise et Venise s'efforcèrent
d'en profiter pour établir leur influence commerciale dans la
Méditerranée. Les Provençaux, les Languedociens et les
Catalans ne tardèrent pas d'ailleurs à prendre leur part de
ce négoce, soit en s'associant avec les Italiens, soit dans
des entreprises détachées, de telle sorte qu'il n'est pas
toujours facile de distinguer dans ce domaine l'œuvre de
chacune des cités méditerranéennes.
Les chrétiens étaient en général bien accueillis par les
souverains musulmans. Les Beni-Hammad, en particulier, les
attirèrent d'abord à la Kalaâ, puis à Bougie lorsqu'ils y
eurent transporté leur capitale. En-Naceur entra en relations
avec le pape Grégoire VII, lui envoya de riches présents, et
libéra pour les lui remettre tous les captifs chrétiens qui
se trouvaient dans ses États; le pape répondit par une
lettre très affectueuse (1076). Les Almohades n'étaient pas
moins tolérants et avaient des milices composées de
chrétiens.
En 1167, les Pisans conclurent un traité de commerce avec
l'émir de Bougie, puis ce fut le tour des Génois, des
Vénitiens et des Florentins. Narbonne, Montpellier, Arles,
Marseille rivalisaient avec eux. " Montpellier, écrit
Benjamin de Tudèle vers 1170, est un lieu très favorable au
commerce, où viennent trafiquer en foule chrétiens et
sarrasins, où affluent des Arabes du Garb. " Il y avait
plus de 300 maisons juives à Narbonne. Les statuts municipaux
de Marseille de 1228 attestent des relations régulières de
cette ville avec l'Afrique. Les négociants marseillais
faisaient la banque et le change; les Manduel en particulier,
au treizième siècle, commanditaient de nombreux navires et
se rendaient parfois eux-mêmes dans les ports africains. On
voit des Provençaux associés à des Juifs africains, plus
rarement à des musulmans. Les navires étaient groupés par
caravanes à la mode italienne; le départ avait lieu en
avril, le retour en automne, le trafic étant interrompu
pendant l'hiver. Le traité de 1270, signé par Philippe le
Hardi après la mort de saint Louis à Tunis, consacre les
premières relations de la royauté française avec le Maghreb
et garantit à toute la chétienté les privilèges concédés
jusqu'alors aux seules républiques italiennes.
Les conventions commerciales entre chrétiens et musulmans
sont conçues à peu près toutes sur le même modèle. Elles
stipulent la sécurité des personnes et |