|
Les chefs militaires sont assez
souvent sévères dans les jugements qu'ils portent les uns
sur les autres. Pélissier, qui en voulait d'ailleurs à
Randon d'avoir été nommé au poste de gouverneur, que
lui-même comptait occuper, l'a apprécié sans indulgence :
"C'était, disait-il, un petit cœur, un petit esprit, un
petit caractère; " assertion injuste, à laquelle il
faut préférer celle de Guizot, qui le peint comme " un
homme de bien, d'ordre, de sens et de justice ". Ce
n'était pas un sabreur, on ne cite de lui aucun trait
d'héroïsme, aucune action d'éclat, aucune parole lapidaire.
Son caractère se reflète dans sa physionomie calme, aux
lignes régulières. Il était honnête, sage, bon
administrateur, un peu terre à terre et sans beaucoup
d'envergure; méthodique et prudent, il ne laissait rien au
hasard; il n'avait assurément pas le génie militaire de
Bugeaud. Il a pacifié le Sud, sur lequel il se faisait
d'ailleurs de grandes illusions, soumis la Kabylie, donné une
vive impulsion aux travaux publics, continué autant que
possible l'œuvre de Bugeaud en ce qui concerne la
colonisation, qui répondait à ses idées personnelles mais
qui était devenue impopulaire. |
|
NAPOLÉON III ET
L'ALGÉRIE |
|
Napoléon III semble n'avoir
jamais eu pour l'Algérie qu'une sympathie assez médiocre. Il
avait dit, dans une lettre adressée à Persigny : "
L'Algérie est un boulet attaché aux pieds de la France
" ; il ne semble avoir été frappé ni de l'avenir
commercial et colonial du pays, ni de la mission de
civilisation à remplir vis-à-vis des indigènes. Dans le
discours de Bordeaux, cependant, il parle de cette contrée
comme d'un vaste royaume à annexer à la France : phrase
destinée à satisfaire les négociants des grands ports de
commerce plutôt que les Algériens; ceux-ci néanmoins
accueillirent ces paroles avec satisfaction. Mais, par ses
origines et ses tendances, le gouvernement impérial ne devait
avoir pour l'Algérie qu'une bienveillance limitée. Dans les
conflits entre les militaires et les colons qui prirent tant
d'acuité sous le Second Empire, il était porté à prendre
parti pour les militaires. D'autre part, il y avait parmi les
colons algériens beaucoup de républicains avancés qui
demeuraient hostiles à l'Empire et à l'Empereur.
L' Empereur s'inquiétait de voir que la défense de
l'Algérie immobilisait 60 000 hommes qui pouvaient faire
défaut en Europe. Sur ce point, ses idées se modifièrent à
la suite de la guerre de Crimée, où l'armée d'Afrique et
ses chefs jouèrent un rôle considérable et glorieux. Un
drapeau fut offert par la population indigène aux tirailleurs
qui pour la première fois allaient combattre hors de
l'Algérie : |
|
|