En 1832, Randon soumit au gouvernement deux projets d'expéditions,
l'un contre Collo, l'autre contre la Kabylie du Djurjura et insista
vivement pour l'adoption du second; mais le ministre préféra le
premier. On se borna à des travaux de routes, destinés à
resserrer le blocus autour des Zouaoua. En 1853, l'expédition du
Djurjura fut encore ajournée et deux colonnes, commandées par
Mac-Mahon et Bosquet, opérèrent seulement dans la Kabylie des
Babors, entre Sétif et la mer.
En 1854 eurent lieu d'importantes opérations dans la vallée du
Sebaou. Mac-Mahon, par une marche audacieuse, à travers des
difficultés matérielles de toute nature, pénétra au cœur de la
Kabylie et occupa le Sebt des Aït-Yahia. Le lendemain 17 juin, son
camp était attaqué par plusieurs milliers de Kabyles
Aït-Menguellet, dont on obtint la soumission après de violents
combats. La campagne avait coûté 900 officiers ou soldats tués ou
blessés.
L'expédition de 1854 est, après celles de 1844 et de 1847, le
troisième coup porté à la Kabylie. Grâce à cet acte de vigueur,
la tranquillité ne fut pas sérieusement troublée pendant la
guerre de Crimée, malgré la réduction des effectifs de l'armée
d'Afrique. Mais la situation européenne obligeait évidemment à
ajourner toute opération importante. On se borna à faire des
études préparatoires sur le pays, sa population, sa constitution
sociale, à exécuter de nouveaux travaux de routes et des ponts sur
le Sebaou, à renforcer les postes de Tizi-Ouzou et de Dra-el-Mizan.
En 1856, une vive agitation, dont le centre était la zaouïa de
Sidi-Abd-er-Rahman-bou-Kobrin, chez les Guechtoula, se manifesta en
Kabylie; El-Hadj-Omar, oukil de cette zaouïa très vénérée des
Kabyles, remplaça à la tête du parti de la résistance le chérif
Bou-Baghla, tué l'année précédente; il essaya vainement de
s'emparer du poste de Dra-el-Mizan. Les troupes qui commençaient à
rentrer de Crimée furent envoyées en Kabylie et opérèrent dans
la région de Boghni avec Yusuf et Renault. " Nous ne pouvions,
dit Randon, continuer plus longtemps cette guerre d'observation.
C'était à la fois faire preuve d'impuissance vis-à-vis des
Kabyles et accroître la confiance qu'ils avaient dans leur force.
Les expéditions des années précédentes nous avaient donné une
connaissance exacte du pays. Les régiments arrivant de Crimée
formeraient des têtes de colonnes incomparables. Si on différait,
la réduction des effectifs de l'armée, la libération des vieux
soldats, le remplacement des anciens régiments par de nouveaux
constitueraient un état de choses différent et des conditions
moins favorables. "
Le ministre de la Guerre montrait encore quelques hésitations.
Randon, récemment promu maréchal de France, se rendit a Paris et
réussit à convaincre l'Empereur, qui ordonna l'expédition du
Djurjura pour le printemps de 1857.
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