L'acte d'Algésiras du 7 avril 1906 avait d'ailleurs reconnu "
la situation spéciale faite à la France au Maroc par la
contiguïté sur une vaste étendue de l'Algérie et de l'empire
chérifien, et par les relations particulières qui en résultent
entre les deux pays limitrophes. " Par ces dispositions, la
portée des accords de 1901 et de 1902 se trouvait sensiblement
accrue. L'Algérie pouvait en tirer une amélioration notable de sa
position vers l'Ouest. Elle s'y employa avec succès de 1907 à
1910.
M. Jonnart estima que, pour y parvenir, l'unité d'action politique
et militaire était indispensable et proposa de confier au général
Lyautey le commandement de la division d'Oran, en même temps qu'il
resterait à la tête du territoire d'Aïn-Sefra. Toute une série
de vexations et de mauvais procédés de la part des autorités
chérifiennes rendirent nécessaire l'occupation d'Oudjda, qui fut
effectuée le 29 mars 1907. Cette occupation ne donna pas les
résultats qu'on aurait pu en attendre en raison des restrictions
qui y furent apportées, la colonne expéditionnaire ayant reçu
l'ordre de ne pas dépasser un rayon de 10 kilomètres autour de la
ville. M. Jonnart réclama en vain l'occupation de Cheraâ pour
contenir les populations voisines. L'agitation croissante aboutit à
une violation du territoire algérien dans la région du Kiss. Il
fallut se décider à intervenir chez les Beni-Snassen ;
l'opération, remarquablement conduite par le général Lyautey,
aboutit en quelques semaines à la soumission de 30 000 Berbères.
L'affaire des Beni-Snassen était à peine terminée que, pour la
première fois depuis 1903, la situation dans l'Extrème-Sud
redevenait inquiétante. Au cours de l'année 1908, des harkas
considérables, fanatisées par des marabouts, se rassemblèrent au
Tafilelt et vinrent nous attaquer dans le Sud-Oranais ; la riposte
à leurs agressions nous conduisit sur le Haut-Guir ; la harka fut
repoussée près du ksar de Bou-Denib, où une garnison fut
laissée; le ter septembre, dans un blockhaus voisin du ksar, 75
hommes commandés par le lieutenant Vary se défendirent
héroïquement pendant dix-huit heures contre les attaques furieuses
de 20 000 Marocains. Quelques jours après, la colonne Alix mettait
la harka en pleine déroute à Djorf et la poursuivait jusqu'à
Toulal. Cette victoire arrêta le mouvement de guerre sainte qui
avait précipité sur nous les Beraber et laissa aux indigènes une
très vive impression de terreur et de découragement. Le sentiment
de force irrésistible qu'avait donné aux Marocains la défaite des
harkas de 1908 fut malheureusement un peu atténué par l'affaire d'Anoual,
où une de nos reconnaissances subit le ter décembre un échec qui
nous fut infligé par les Aït-bou-Chaouen. L'effort militaire que
ce soulèvement, succédant à celui des Beni-Snassen, avait rendu
nécessaire, montrait que, sur toute la frontière algéro-marocaine,
du Kiss au Guir, une grande vigilance était plus que jamais
indispensable.
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