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sensibilité sans cesse en éveil, s'émouvoir aux plus beaux spectacles et pénétrer les mystères de la nature dans l'exubérance et le frémissement de la vie.
Le 1er mars 1921, Rudyard Kipling visita longuement la ville arabe avec moi, en cheminant à pas lents dans le dédale des ruelles et en s'attardant dans les sanctuaires silencieux, pour gravir ensuite les marches de l'escalier en colimaçon jusqu'au sommet du minaret de la Djama-Safir, poste d'observation sans pareil. C'était sortir du clair-obscur des petites rues et de la pénombre des oratoires, pour se griser de plein air, de lumière et de vibrations, en face du panorama de la ville, des collines et du double plan des montagnes. De la ville, en tonalités adoucies, montaient des murmures à peine perceptibles, des bruissements de voix, une mélopée, un appel, un chant de coq, le tout estompé et en sourdine... " J'éprouve comme une griserie... ", me dit le Maître, en passant sa main sur son front.

Le lendemain, il m'adressait cette lettre :

" Dear Monsieur de Galland,

" I cannot let the day end without thanking you once more for all that wonderful new world which  your kindness and wisdom opened to me this morning.

" I am-alas ! not of an age which is very receptive of fresh emotions, but I confess that I received thern  to day in full measure among those people whose past is their present, and who (hence their sense of superiority) desire no change. It is a souvenir that I shall guard very jealously and not the less so, since, in my Cicerone, I recognised the ferveur and knowledge that my own Father used to feel towards his beloved cities of Lahore et Amritzor.

" Very sincerely yours,                                                                        "Rudyard KIPLING ".

Il m'est impossible de laisser passer ce jour sans vous remercier encore une fois de m'avoir montré ce monde nouveau et merveilleux que votre obligeance et votre sagesse m'ont révélé ce matin.

Je ne suis plus malheureusement d'un âge susceptible de recevoir de nouvelles émotions ; mais j'avoue que je les ai ressenties aujourd'hui en pleine abondance, parmi ce peuple dont le passé est le présent et qui (d'où le sens de leur supériorité) ne désire aucun changement. C'est un souvenir que je garderai très jalousement. Dans mon Cicerone, j'ai reconnu la ferveur et la connaissance que mon propre Père avait pour les villes de Lahore et d'Amritzor.

 
 

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