encore cinq arches sphériques,
qui mesurent plus de soixante pieds de hauteur. Il alimentait
autrefois les fontaines de la ville de l'eau des montagnes
environnantes. Vue de cet endroit, Constantine, avec ses
tanneries nombreuses et ses ruches d'abeilles en terre de
forme sphérique, présente un coup d'œil vraiment
extraordinaire. Ce n'est point à tort que les Arabes l'ont
surnommée " Belad-el-Hamoua ", la cité de l'air.
Sa position a quelque analogie avec celle de Ronda1
: on la dirait suspendue au sommet de ces collines escarpées,
qui la rendent inaccessible, sauf du côté de l'est. Les
parois du ravin sont formées d'énormes roches calcaires
perpendiculaires, et. les cigognes au vol lourd, qui
descendent lentement des remparts pour bêcher dans le
torrent, sont les seules créatures vivantes qui osent
s'approcher de l'abîme.
Dans l'après-midi, le colonel Cervelle (officier d'état-major
du général), dont nous avions connu la famille à Alger,
vint aimablement nous proposer de nous faire voir la ville, ce
que nous acceptâmes avec empressement. Il nous mena d'abord
sur la place derrière la cathédrale, pour nous montrer le
bureau arabe (dont j'aurai occasion de parler plus loin) et le
balais du roi, qui sert aujourd'hui de quartier général au
commandant de place. C'est un édifice mauresque, qui rappelle
les récits des Mille et une Nuits. Il est surtout
remarquable par ses trois quadrangles plantés de beaux
jardins et entourés de balcons peints des plus vives
couleurs, d'où l'œil plonge sur des massifs d'orangers, de
citronniers et de fleurs rares. Les fresques des galeries ne
manquent pas d'une certaine originalité elles représentent
des batailles navales ; les vaisseaux et les bateaux sont tout
à fait grotesques, et les canons beaucoup plus gros que les
bâtiments de guerre ; mais ce qu'il y a de plus joli, c'est
que l'artiste musulman, s'étant scrupuleusement conformé à
la loi de Mahomet, qui défend la représentation de la figure
humaine, les canons sont censés partir tout seuls !
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