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l faisait un clair de lune magnifique lorsque nous quittâmes notre appartement confortable de l'hôtel d'Orient pour grimper dans le coupé de la diligence qui devait nous conduire à Batna.
 
Ce trajet de douze heures se fait toujours la nuit, ce qui est peu agréable pour les touristes, mais cela épargne beaucoup de temps. La route, du reste, n'offre rien d'intéressant, sauf quelques ruines romaines, situées entre deux grands lacs salés, sur les eaux desquels nageaient des oies et des canards sauvages. A gauche, on aperçoit un autre de ces mausolées pareils au " tombeau de la Chrétienne ", sur lequel les savants ne sont pas d'accord, bien que l'opinion générale en fasse le sépulcre de Massinissa1. On appelle celui-ci le " Medràsen ". On dirait une suite de cylindres qui vont en diminuant jusqu'au faite du monument. Je ne fis du reste que l'entrevoir au clair de la lune. A sept heures du matin nous arrivâmes à Batna, - petit village fort laid et d'un aspect triste. Les rues sont à angle droit, l'église n'est pas belle, l'auberge est mauvaise : en un mot, c'est un séjour peu attrayant.

Nous nous décidâmes cependant à nous y arrêter deux ou trois jours, afin de pouvoir visiter la forêt des Cèdres, qui ressemble à celle de Teniet-el-Had, et aussi pour faire une excursion aux ruines romaines de Lambessa. Nous partîmes donc un matin, dans un petit omnibus, seul véhicule de l'endroit. La route que nous suivîmes était d'une monotonie désespérante ; mais nous fûmes amplement dédommagées lorsque enfin nous aperçûmes ces ruines imposantes. Pompéi fut ensevelie subitement sous les cendres du Vésuve, qui surprirent ses habitants au milieu de leurs occupations journalières ; Lambessa est une ville qu'on dirait avoir été abandonnée subitement par toute sa population : ses édifices sont tous là debout, au milieu d'une vaste plaine solitaire ; la main seule du temps a usé ses pierres de tuf rouge et ses piliers de granit. 

 

1. Roi de Numidie, qui combattit avec les Romains contre Annibal et continua la guerre contre Carthage. Il mourut l'an 149 avant Jésus-Christ. (Note du traducteur.)

    

 

   
A gauche de l'ancienne voie romaine, s'élève le prétorium1, construit avec ce même tuf d'un brun rougeâtre dont est fait le tombeau de Cécilia Métella2 ; un perron flanqué de belles colonnes conduit à ce palais, qui a été transformé en musée et qui renferme des statues, des sarcophages, des colonnes de marbre et d'albâtre. Les piliers extérieurs se composent de trois blocs énormes de pierres sphériques, qu'aucun ciment ne relie. Un peu plus loin, l'œil s'arrête sur deux magnifiques arcs de triomphe, qui formaient jadis une des quarante portes mentionnées par les anciens historiens de Lambessa, et dont il reste quinze debout aujourd'hui. 
 
L'Arabe au désert.- La prière de midi.
 
Au delà de cette porte on voit quatre ou cinq arches, portion d'au ancien aqueduc, et à une centaine de mètres plus loin, à gauche, on arrive aux ruines du temple d'Esculape. Quatre colonnes ioniques, dressées sur un escalier de marbre et formant partie de la façade, portent une inscription indiquant que ce temple fut construit par ordre de Marc-Auréle et de Lucius Vérus, et qu'il fut dédié à Esculape et à la déesse de la Santé. On y a découvert 
 

1. Palais de justice, où siégeaient le préteur et d'autres magistrats chez les Romains. (Note du traducteur.)

2. Cécilia Métella, fille du consul L. Métellus, épousa, dit-on, Crassus le Riche. Son tombeau, de forme sphérique, est le plus remarquable de tous ceux qui bordent la voie Appienne, restaurée par les soins de Pie IX. (Note du traducteur.)

 
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