elle possède un littoral de deux cents lieues, d'excellents
ports, un sol fertile, un climat délicieux et des richesses
minérales incalculables : malheureusement, le défaut
de sécurité, le manque de capital et de bras, n'ont pas
permis de les exploiter d'une manière avantageuse, jusqu'à
présent du moins.
La France ne peut pas faire de l'Algérie une colonie
purement militaire : ce serait contraire à sa forme de
gouvernement et au caractère de la nation ; d'autre part,
elle n'a pas encore pu en faire une colonie civile, parce
qu'on ne peut pas y transporter tout d'un coup une race
laborieuse et agricole, telle qu'il la faudrait pour
défricher cet immense champ inculte. Le véritable
agriculteur, le paysan français, qui possède une petite
propriété et un petit capital, ne songera jamais à quitter
le département où il est né, où il vit content et heureux,
pour aller s'épuiser de travail sous les rayons brûlants du
soleil d'Afrique, et se voir en butte aux attaques constantes
des Arabes ; même si l'espoir d'un gain élevé l'engageait
à faire un coup d'essai et à tenter l'aventure, à coup sûr
il n'y resterait pas.
Jamais je ne suis entrée en conversation avec un colon
français en Algérie, sans qu'il ait fait allusion à
l'époque où il aurait gagné assez d'argent pour retourner
dans sa " belle France ". Bien différents en cela
de nos émigrés anglais, ils ne considèrent jamais la
colonie comme leur patrie, et par conséquent se montrent
assez indifférents à sa prospérité future et à son
avenir.
Espérons toutefois que les malheurs de la France serviront
à amener une ère de progrès dans la condition de ce beau
pays, jadis le grenier de Rome et de l'Europe. Après tout,
chaque colonie naissante rencontre des obstacles à son
début, et il faut quelquefois une génération d'hommes
tarés dans un pays nouvellement colonisé, pour y faire
souche d'honnêtes gens.
|