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IX

 

TUNIS ET CARTHAGE

 
'était un jeudi saint, après l'office du matin à la cathédrale de Saint-Augustin, que nous montâmes en toute hâte sur le vapeur le Sinaï, des Messageries impériales, qui devait nous conduire à Tunis. S'il est pénible de quitter pour toujours même des choses qui 
nous sont indifférentes ou désagréables, à plus forte raison étions-nous vraiment affligées de dire un dernier adieu à cette colonie française, où nous avions été si heureuses pendant tout un hiver et un printemps, et dont les habitants nous avaient accueillies avec 
    

 

   
une bienveillance sincère et la plus charmante hospitalité.

Nos compagnons de traversée étaient de tous les pays : il y avait une famille irlandaise, fort nombreuse, qui voyageait dans l'espoir de rétablir la santé d'un fils aîné ; - un médecin français, habile et spirituel, qui avait fait le tour du monde et ne tarissait pas en anecdotes piquantes sur les contrées diverses qu'il avait parcourues ; - un Arabe, accompagné de sa fille, charmante enfant, qui allait rejoindre sa famille à Tripoli. Pour ma part, je ne sais rien d'aussi divertissant que cette société nombreuse et mélangée au milieu de laquelle on est jeté à bord d'un vaisseau, à condition toutefois que la mer ne soit pas trop mauvaise, pour qu'on puisse en jouir.

La soirée se passa sans incident. Le temps était propice. Nous côtoyâmes le cap Rosa jusqu'à la Calle, depuis longtemps renommée pour ses lacs, ses forêts de chênes-lièges et ses pêcheries de corail. Nous ne vîmes pas les pêcheurs à l'œuvre, mais le capitaine nous donna les détails suivants sur cette industrie. On taille un morceau de bois d'un pied de longueur, en forme de croix, au centre de laquelle on attache une grosse pierre, qui l'entraîne par son poids au fond de la mer ; des filets très solides, en chanvre, sont liés aux deux bras de la croix, que l'on maintient dans une position horizontale, au moyen d'une corde plongée dans la mer et dont on attache l'autre bout à un bateau de pêche. Lorsque les bateliers sentent que la croix a touché le fond de la mer, ils promènent leur embarcation en avant et en arrière sur les couches de corail, pendant que la lourde pierre détache le corail des rochers et le fait tomber dans les filets ; quelquefois il reste suspendu aux bras de la croix. Plus de deux cents barques sont ainsi employées en même temps (la moitié environ appartient à des Espagnols). La quantité de corail recueillie annuellement à la Calle produit à peu près 152,800 francs.

Après avoir doublé le cap Rosa, le ciel s'assombrit, le vent fraîchit considérablement, et nous essuyâmes un grain, qui ne fit 

 
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