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Je ne conçois pas en effet de séjour plus délicieux en été que cette belle plage sablonneuse, émaillée de jolis coquillages, ombragée par d'énormes falaises et baignée par cette mer azurée, sans parler des souvenirs intéressants du passé. Le grand bonheur des enfants de Mme Wood consiste à venir de leur château de Marsa passer une journée ici, et en cela ils font preuve de bon goût.
Les ruines d'un temple célèbre dédié à Esculape couronnent une colline d'où l'on jouit d'un magnifique coup d'œil. Jamais on ne se lasse de contempler ce beau rivage, que bornent de hautes montagnes, et cette mer étincelante.

Laissant un fort mauresque derrière nous, nous entrâmes à " Magaria ", ancien faubourg de Carthage, auprès duquel s'élève le village arabe de Malakah, bâti sur l'emplacement des grands réservoirs, entièrement comblés aujourd'hui, qui communiquaient autrefois avec les dix-huit que nous avons visités. Ils ont deux cents pieds de longueur et sont également voûtés ; ils forment évidemment l'extrémité du grand aqueduc qui apportait à Carthage l'eau de source des monts Zaghwan. Ici encore, sur un espace de plus de seize lieues, on traverse un labyrinthe de ruines, avec quelques arches parfaitement conservées çà et là. On a découvert récemment, près de la maison de campagne de Mme Wood, une fort belle mosaïque représentant un lion qui met un cheval en pièces. On ne peut vraiment gratter le sol sans déterrer des marbres et des mosaïques ; mais le gouvernement, jaloux de ses droits, ne permet pas qu'on ouvre des fouilles particulières : un pauvre diable qui s'était avisé de découvrir une mosaïque superbe, fut condamné, pour sa récompense, à une sévère bastonnade.

La chaleur nous força enfin de quitter ces lieux pour prendre la route de Marsa, palais d'été du consul anglais. C'est un bel édifice, entouré de palmiers et de cyprès, et dont les cloîtres sont revêtus de ce stuc ou " mukseh hadeedah " qui excitait si fort mon admiration. Au bout du magnifique jardin, il y a un pittoresque " naoura " ou puits, dont un chameau faisait tourner la roue, et une 

    

 

   
tour d'où l'on embrasse une vue très étendue sur les environs. Nous fîmes la sieste après le déjeuner ; et, la chaleur étant devenue supportable, nous allâmes rendre visite à une nièce du bey, qui était à la veille de son mariage, et qui habitait un palais à environ un kilomètre de Marsa.
 
On se disposait pour une fantasia.
 

On était très affairé dans la grande cour, que l'on disposait pour une " fantasia " ou exercices équestres, qui devaient avoir lieu le lendemain et qui faisaient partie du programme de la fête. La princesse, mère de la fiancée, nous reçut dans un salon à alcôve, pavé de marbre et garni de divans ; et, après qu'on nous eut offert le café et les confitures d'usage, on nous fît passer dans une autre pièce, où le trousseau et les cadeaux de noce étaient étalés avec goût : c'était vraiment une exposition magnifique, qui surpassait tout ce que j'avais pu imaginer. Aucun trousseau européen n'aurait pu soutenir la comparaison avec celui-ci, soit pour la richesse et la variété des étoffes, soit pour la beauté des nuances et la finesse des broderies. On nous conduisit ensuite à l'étage supérieur, où l'on était en train de préparer des mets qui devaient figurer au festin nuptial : gâteaux de toute espèce, biscuits, pistaches, amandes, bonbons, fruits confits ; et cela en si grande abondance, qu'il nous semblait que la société la plus nombreuse ne pourrait jamais venir à bout d'en consommer la dixième partie.

 
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