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groupe de tentes occupées par
des soldats, qui s'efforçaient tant bien que mal de combler
les ornières et de réparer la route. Teniet nous fit l'effet
d'une ville complètement modernisée : elle possède une
jolie église, une école communale et un couvent de sœurs ;
nous n'y vîmes rien d'oriental, sauf quelques Arabes et
quelques spahis qui flânaient le long de l'unique rue, et,
assises sur le seuil de leurs demeures, de belles Juives qui
étalaient aux regards leurs vêtements magnifiques, leurs
colliers et leurs bracelets de sequins. Quelle ne fut pas
notre contrariété d'apprendre en arrivant que la seule
auberge de la ville était au grand complet ! Que faire? Nous
ne savions où aller. L'hôtesse était désolée. |
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La saison avait été si mauvaise
à cause de la guerre, disait-elle, que personne n'était
venu, et que, par conséquent, elle avait loué tous ses
appartements à l'année aux officiers de la garnison. Enfin,
après en avoir conféré avec sa fille, elle nous céda deux
petites soupentes adossées à la maison (c'était là que
couchaient ces deux femmes), qui formaient un des côtés de
la basse-cour et donnaient de l'autre dans la cuisine. Telles
qu'elles étaient, nous les acceptâmes avec reconnaissance,
puis nous allâmes rejoindre la société de la table d'hôte
: elle se composait de notre compagnon de voyage si poltron,
d'un scheik arabe et des officiers de la petite garnison. On
me présenta le colonel, auquel je demandai des chevaux pour
aller voir la fameuse forêt de cèdres ; ce qu'il nous
accorda avec empressement, ainsi que des guides et une
escorte, |
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précautions que l'épaisseur de
la neige rendait absolument nécessaires. Sans vouloir le
moins du monde déprécier la valeur de ces prévenances, il
m'est bien permis de croire que notre arrivée faisait une
diversion agréable à la vie monotone de ces messieurs, |
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qu'ils étaient enchantés de
nous trouver prêtes à tenter des excursions périlleuses, et
d'apprendre aussi de notre bouche les dernières nouvelles
d'Europe, que la guerre rendait d'un intérêt si palpitant.
Le dîner terminé, je me rendis à la petite église, dont
l'autel en bois de cèdre est de fort bon goût, puis de là
chez les sœurs de la Doctrine chrétienne. J'y trouvai une
charmante petite fille arabe, qui se mit à pleurer lorsque je
lui demandai si elle avait été baptisée. Elle en avait un
si grand désir, qu'elle apprenait son catéchisme avec une
ardeur extrême, afin de pouvoir recevoir le baptême à
Pâques. " Je veux être chrétienne, je veux qu'on me
donne le nom de Marie ", disait-elle en sanglotant. Tous
ces enfants avaient de beaux yeux noirs, et les fraîches
couleurs de leur teint faisaient l'éloge de la salubrité du
climat de Teniet. Malheureusement, les pauvres sœurs sont
terriblement à l'étroit, et par-dessus le marché leur
maison est froide et humide.
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