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couverte si élevée, qu'il était presque impossible d'y entrer sans avoir de très longues jambes ; et, une fois dedans, il était aussi difficile d'en sortir. De plus, cette voiture primitive partait à minuit, heure très incommode pour des touristes qui veulent voir le paysage. Enfin, comme il n'y avait pas d'autre moyen, nous nous armâmes de courage, nous nous rendîmes sur la place à tâtons, puis nous montâmes, non sans une peine inouïe, dans cette charrette, qui était censée contenir huit places, mais où quatre personnes étaient fort gênées, et dans cette prison ambulante nous passâmes quatorze mortelles heures, car nous n'arrivâmes à Teniet qu'à deux heures de l'après-midi, par la route de Milianah. Nous entrâmes bientôt à Affreville, et c'est alors que commencèrent nos tribulations.

Il nous fallut, d'abord traverser le Chéliff, qui était affreusement grossi par les pluies récentes, et ce fut bien difficile. Sur l'avis du batelier, les deux messieurs de notre société prirent le bac pour alléger la voiture ; quant à nous, qui avions du faire des tours de force pour y monter, nous ne bougeâmes pas. Le cocher mit alors ses chevaux au galop, et nous entrâmes dans le fleuve. Bien que la voiture faillit plusieurs fois être mise en pièces par les gros cailloux qu'elle rencontra, nous arrivâmes sans accident à l'autre rive, et sans craindre de casser les ressorts de notre élégant équipage.

Il n'y a que deux relais de poste entre Milianah et Teniet, bien que ce soit une véritable ascension. Les routes sont exécrables, et par conséquent le tirage horrible pour les pauvres chevaux. Le paysage est d'un aspect sévère mais grandiose. Nous ne vîmes pendant tout le trajet que quatre maisonnettes, habitées par des cantonniers qui sont préposés à l'entretien des routes ; mais j'avoue qu'on ne s'en douterait guère : car les ornières étaient, si profondes, que notre voiture s'y enfonçait jusque par dessus les essieux, et je me demande encore comment nos pauvres bêtes ont pu nous retirer de ces fondrières et de cette situation presque désespérée. Sur le siège, à côté du cocher, il y avait un monsieur qui tremblait de peur ; à chaque cahot, il invoquait tous les saints 

    

 

   
du paradis et promettait à la sainte Vierge d'innombrables cierges, si seulement il arrivait sain et sauf à sa destination. Nous fûmes même obligées de descendre une ou deux fois de notre cage et de patauger dans la boue, tandis que le conducteur raccommodait la machine roulante, en ne ménageant pas les malédictions à l'adresse du " génie " qui assurément n'avait pas fait preuve de génie dans la construction et l'entretien de la route.

A onze heures, nous déjeunâmes dans un petit caravansérail appelé Anseur-el-Louza, où nous nous procurâmes une omelette et des perdreaux rouges. On y jouit d'un point de vue charmant. La route était bordée de chênes lièges, de chênes verts, d'arbousiers et d'oliviers, entre mêlés de palmiers nains, de lavande, de romarin et d'autres plantes aromatiques. Une très jolie fleur blanche, pareille à la jonquille simple, avec un centre jaune et l'odeur du narcisse, croissait en abondance dans la mousse : cette plante appartient à la flore de cette région. J'avais le plus grand désir de l'acclimater dans mon pays ; mais, bien que j'en aie planté des oignons, ils n'ont pas réussi.

 
Campement militaire.
L'Oued-Rerga, un des affluents du Chéliff, se précipite dans un gouffre qui côtoie le chemin, et à cet endroit on se croirait dans quelque gorge alpestre. Nous arrivâmes bientôt auprès d'un 
 
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