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qui donne sur une place entourée d'arcades, et je sortis à la recherche de l'église. J'eus le bonheur d'y trouver le saint Sacrement exposé et d'y recevoir la bénédiction. C'est une ancienne mosquée, d'une beauté remarquable. Le lendemain, de grand matin, nous fîmes une excursion dans les gorges de la Chiffa, en passant par le " Bois Sacré ", qui était déjà tenu en grande vénération du temps des Romains et l'est également aujourd'hui par les Arabes. On y remarque des oliviers aussi anciens que ceux du jardin de Gethsémani. Au milieu de ce bois se trouvent deux " koubbas ", dont l'une, très célèbre, ornée de riches étoffes de soie, d'or et d'argent, était éclairée par d'innombrables cierges et toute parfumée d'encens.
 
Les Mendiants.
 

Un Arabe à l'air distingué amena son petit garçon au marabout, assis sur une natte à l'entrée du monument. Après avoir récité alternativement quelques prières, l'enfant présenta comme offrande un cierge et une pièce de monnaie, puis il baisa la main du marabout. Deux femmes se présentèrent ensuite, enveloppées des pieds à la tête dans de longs voiles blancs (on eût dit deux fantômes) ; une petite ouverture laissait entrevoir un oeil seulement. Je compris que c'était une dame avec sa suivante. La première avait un collier et des bracelets de sequins d'une grande valeur ; son haïk était retenu par des agrafes d'un travail admirable, reliées par une chaînette. La suivante sortit une pièce de mousseline fine de dessous son burnous et la plaça sur la tombe ; le marabout l'aspergea trois fois avec de l'eau bénite. Je ne pus m'empêcher de trouver cet usage très touchant, de consacrer ainsi une étoffe dont on devait faire un vêtement ; et la ferveur avec laquelle je voyais prier cette dame, me fit penser que Dieu l'exaucerait, bien qu'elle fût dans l'erreur. Le jardin de la chapelle était rempli de mimosas, de magnolias et d'arbustes en 

    

 

   
fleur ; les haies basses étaient formées de rosiers nains du Bengale.
Intérieur de la mosquée.
 

Avant d'arriver à la Chiffa, nous traversâmes un pont rustique, situé auprès d'une prison militaire, dont les détenus étaient occupés dans une corderie ; puis, tour nant brusquement à gauche, nous nous engageâmes dans une gorge étroite, richement boisée, au fond de laquelle coulait un torrent mugissant. Ce site avait quelques traits de ressemblance avec le col du Saint-Gothard. Nous arrivâmes bientôt à une grotte remplie de stalactites et d'aloès pétrifiés, qui, chose bizarre, avaient conservé leur belle couleur verte. Des touffes de capillaires croissaient dans les fentes des rochers, rafraîchies par l'eau qui tombait goutte à goutte de toutes parts. Nous nous arrêtâmes devant une cabane pour admirer un aigle magnifique qu'on venait de tuer : il était d'une envergure remarquable. Cette partie de la gorge se nomme " la Vallée-des-Singes ". Nous aperçûmes en effet plusieurs de ces quadrumanes sans queue1, grimpant sur les rochers et se suspendant joyeusement aux branches des arbres qui retombent sur la cascade. 

 

1. Les singes sans queue ont la face aplatie ; les mains, les doigts et les ongles ressemblent à ceux de l'homme, et comme lui ils se tiennent debout sur les deux pieds. - Voir Dictionnaire d'histoire naturelle. (Note du traducteur.)

 
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