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   L'âme berbère se trouve profondément modifiée à partir du XIIème siècle par les conséquences de l'invasion des Arabes hilaliens. Les Hilaliens représentent l'apport ethnique le plus considérable qu'ait subi l'Algérie, comme le reste de l'Afrique du Nord; mais, en même temps, les Hilaliens apportèrent, surtout par leur action politique, un nouvel élément d'instabilité où l'on doit voir l'origine du fatalisme algérien sous la forme résignée qu'il a prise. Habituée aux brusques changements de fortune, à l'incertitude du lendemain, la population a perdu le goût des entreprises de longue haleine dans lesquelles l'énergie humaine lutte contre les forces naturelles et réussit à leur arracher sa subsistance quotidienne dans des conditions toujours améliorées. Cette énergie fit place à l'apathie ou bien elle se tourna vers d'autres domaines.

Cette tendance trouvait dans certaines parties de l'âme berbère un terrain tout préparé. En dépit de l'influence romaine, en dépit de l'unification qu'elle imposait dans les idées, dans la civilisation et dans les mœurs, les ferments de discorde y germaient facilement : aux premiers âges de la chrétienté, l'hérésie donatiste trouva en terre berbère un domaine d'élection; de même, après l'islamisation, les Kharidjites, puis les Chiites purent s'assurer en Berbérie, et spécialement en Algérie, de puissants et agissants appuis. Cette exaspération du sentiment religieux allant jusqu'à l'hérésie est un trait à retenir.

Autre trait à retenir : les rivalités entre les personnes ou entre les clans, aussi difficiles à expliquer qu'à apaiser. Ces rivalités, ces haines, semblent dues, la plupart du temps, à la jalousie et au désir d'indépendance : ne pas céder volontairement devant le voisin est un sentiment qui atteint aisément son paroxysme en terre berbère.

Les conditions géographiques elles-mêmes y contribuent. Nulle part ce sentiment n'est plus puissant, plus ardent, plus vivace, que dans certaines régions montagneuses où la rudesse de la vie laisse aux habitants leurs caractères primitifs dans toute leur violence. Certaines régions de l'Algérie ont été de tout temps le refuge des Berbères animés de la passion de résister à toute pénétration guerrière ou pacifique : les Romains, comme après eux les Arabes et les Français, ont eu à compter sérieusement avec le Djurdjura, la Kabylie, l'Ouarensenis, l'Aurès, comme, au Maroc, avec le Riff.
Il semble que la seule différence d'habitat suffit à donner aux populations des sentiments opposés. De même que, 
      au Maroc, au XIXème et au début du XXème siècles, les habitants de Rabat tremblaient dans la crainte d'une attaque des Zaërs, de même, lors de la décadence de l'Empire romain, les habitants des villes et des plaines avaient à redouter les incursions des montagnards : il n'y avait pas, dans un. cas plus que dans l'autre, de haine de races; les habitants des cités « romaines » étaient dans leur immense majorité des Africains romanisés.
 
 

La permanence de certains caractères fondamentaux des populations de l'Afrique du Nord a en dehors des conditions géographiques, imposé une marche à peu près semblable à toutes les civilisations qui se sont trouvées y prendre pied. L'Algérie fait partie du bassin méditerranéen, et, par suite, elle a été soumise aux divers efforts d'unification qui s'y sont produits. C'est un perpétuel recommencement : les Phéniciens par le commerce, les Romains par la paix romaine, les Musulmans par la foi conquérante, les Turcs par besoin de domination, se sont essayés, en suivant des principes divers, à faire l'unité des pays méditerranéens.

Le cas de la France est spécial. Quand, à la fin du premier tiers du XIXème siècle, elle se décida à une action militaire en terre algérienne, elle y fut poussée principalement par la volonté de mettre fin à une situation qui durait depuis des siècles et que les nécessités vitales de l'Europe moderne, comme ses principes, rendaient décidément intolérable. En même temps, elle se trouvait être la principale puissance de la Méditerranée occidentale, et, dans une certaine mesure, les circonstances lui imposaient la mission civilisatrice que d'autres avaient remplie autrefois.

Enfin, l'affirmation plus ou moins consciente du sentiment national dans la plus grande partie de l'Europe, le fait que la France était la plus forte des puissances européennes parvenues à achever leur unité, devaient donner à son expansion une forme nouvelle qui se réalisa en Algérie.

Quant au processus de pacification, il se développa jusqu'à des limites non encore atteintes auparavant, mais il prit une allure analogue à ce qu'on avait déjà constaté dans le passé, notamment à l'époque romaine. Une circonstance précise provoque la première intervention . Et peu

 
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