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   entre la Maurétanie Tingitane (partie septentrionale du Maroc actuel moins le Riff), la province d'Afrique (ancien territoire de Carthage), le Byzacène. Ces diverses provinces douées d'une civilisation unique ne formaient pas un ensemble politique; aucun des gouverneurs n'avait autorité sur les autres : tous étaient égaux, et le pays se trouvait morcelé. A l'époque de Dioclétien, qui groupa les provinces en diocèses, il y eut bien un diocèse d'Afrique, mais la Tingitane n'en faisait pas partie et était rattachée au diocèse des Espagnes.

Cet état de division politique et administrative trouve une explication naturelle dans la configuration géographique du pays. On rencontre, du Sud au Nord, en venant de la mer, des régions diverses ayant des caractères physiques et économiques très tranchés (Tell, Hauts-Plateaux, Atlas). Et, de l'Est à l'Ouest, ces régions elles-mêmes se trouvent morcelées, compartimentées, par un relief tourmenté, assez complexe, qui dessine une succession de massifs montagneux plus ou moins facilement pénétrables et séparant des plaines entre lesquelles les communications sont relativement pénibles.


Inversement, si l'on cherche ce qui peut faire l'unité dans les populations algériennes, on s'aperçoit qu'alors on dépasse singulièrement le cadre algérien proprement dit. Ces éléments d'unité sont le sentiment religieux et les caractères ethnographiques. Or, ce qu'on peut dire de ceux-ci, comme de celui-là, s'il s'applique d'une façon générale à l'Algérie tout entière, ne s'étend pas à elle seulement, mais bien à toute l'Afrique du Nord, c'est-à-dire, outre l'Algérie, au Maroc et à la Tunisie. II y a des variantes locales, incontestables et aisément perceptibles, mais ce ne sont que des variantes; le fond commun reste le même.


L'Algérie est musulmane, comme le sont le Maroc et la Tunisie. II y subsiste des îlots isolés dont la population se rattache à une secte qui date des premiers âges de l'Islam c'est le cas des Ibadites de la Région du Mzab, qui sont des Kharidjites, dont l'origine remonte au temps du khalife Ali. D'autre part le mahométisme des populations de l'Afrique du Nord connaît des nuances variables qui tiennent souvent à des traditions, à des souvenirs locaux. L'Islamisme, principe unificateur, n'est pas exactement le même des Syrtes aux colonnes d'Hercule et au Sahara.

      

Quant à la population, elle présente des caractères généraux communs, mais avec des différences appréciables. On a affaire dans l'ensemble à une population berbère à laquelle sont venus se mêler des Arabes. Il est souvent difficile de faire la distinction des uns et des autres. Beaucoup de Berbères se sont arabisés; mais aussi un certain nombre d'Arabes se sont berbérisés. Les deux mouvements ont été plus ou moins lents, plus ou moins contrariés, et le résultat final présente une bigarrure très variée.

En tout cas, que ce soit du point de vue religieux ou du point de vue ethnique, les différences que l'on peut reconnaître ne coïncident pas .avec les frontières politiques qui séparent l'Algérie du Maroc et de la Tunisie. Aussi le général Azan a-t-il pu écrire au sujet d'Abd el Kader, qui incarna l'esprit de résistance indigène à la pénétration française en Algérie :

« II conduisait au combat de fidèles musulmans, mais non des patriotes algériens. "
Il n'y avait pas, il ne pouvait pas y avoir de patriotes algériens. »


L'unification relative introduite par l'Islam s'est accompagnée d'une transformation profonde dans le caractère des populations algériennes, mais sans faire disparaître les raisons naturelles de divergences.

Les Berbères avant la conquête musulmane étaient assez perméables à l'influence des civilisations supérieures. Les Phéniciens et les Carthaginois, puis les Romains, les façonnèrent aisément, bien que ni les uns ni les autres ne soient venus en très grand nombre : l'idée de colonie de peuplement n'était pas née encore. Ceux des Berbères qui le pouvaient, étaient fiers d'acquérir le titre de citoyen romain, de même que, plus anciennement, nombre de leurs ancêtres avaient pris des noms carthaginois, c'est-à-dire phéniciens. Des Africains d'origine remplirent de hautes charges dans l'Empire romain, certains accédèrent à la dignité suprême.

C'est avec la même facilité que fut acceptée la première arabisation par la religion et la langue. A ce fait contribua d'ailleurs la nature même de l'action musulmane, qui mêlait étroitement la religion à toutes les relations sociales, ne laissant le choix aux populations qu'entre la conversion et l'exil ou la mort.

 
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