|
Ses oreilles forment le croissant. Deux yeux grands et brillants
apparaissent à travers son toupet, tellement long et fourni, qu'on
est obligé de le lier quand il mange. Sa crinière pend jusqu'au
dessous de l'épaule. Son poitrail est exceptionnellement large. Le
rein est court et la croupe n'est pas ravalée comme celle de la
plupart des chevaux barbes. Sa queue très fournie est bien
plantée.
" Ses jambes, fines quand on les regarde de face, sont très
larges quand on les voit de profil. Ses jarrets indiquent une force
extraordinaire. Il mesure au garrot 1 m. 55 centimètres.
" Je n'ai pas résisté au désir de monter ce bel animal. Il
est admirablement dressé. Il fait des bonds extraordinaires, mais
il est très docile. J'ai fait une délicieuse promenade et compris
les vers du poète arabe
" Un verre de liqueur enivrante est placé entre les deux
oreilles d'un noble coursier ".
" Je ne connais pas de jouissance plus grande que celle de
sentir entre ses jambes un cheval puissant et fougueux et qui
pourtant obéit aux moindres désirs de son cavalier. Je dis
désirs, car lorsqu'il y a union intime entre le cheval et soi, on
ne s'aperçoit pas du mouvement presque imperceptible que l'on fait
pourtant quand l'on veut obtenir de lui telle ou telle allure et que
le noble animal comprend instinctivement (1). "
II. - Le Chameau
Dans les pages qui suivent M. E. F. Gautier met au point toutes
les légendes si souvent répétées au sujet du chameau Tout le
monde sait que le chameau d'Afrique, à une seule bosse, doit être
appelé dromadaire. C'est, il est vrai, une connaissance théorique
dont personne à peu prés ne fait usage. L'appellation correcte est
reléguée sur les plaques du Jardin des Plantes et dans les
dictionnaires. Celui de l'Académie définit ainsi le dromadaire:
" Espèce " de chameau à une seule bosse sur le dos et
qui va fort " vite ". Cette définition est un assemblage
monstrueux de zoologie et d'étymologie. Le mot vient en effet d'un
verbe, grec qui signifie courir. Mais l'immense majorité des
(1) Léon ROCHES. - Dix ans à travers l'Islam.
1834-1844. Paris, Perrin et Cie, 1904, in-18, p. 150 et 151.
|
|
|
|
chameaux africains, dromadaires authentiques, font en moyenne trois
kilomètres et demi à l'heure; ils vont jusqu'à quatre lorsqu'ils
ont un conducteur armé d'une trique. Lé méhari, qui seul
répondrait à la définition, est bien loin d'être aussi rapide
qu'on se l'imagine.
.....................................................
" On croit à tort que le méhari est une race à part. Les
indigènes sont incapables de sélectionner, comme nos éleveurs
européens, avec une méthode rigoureuse pendant une série de
générations. Il n'y a pas de stud-book pour méharis. Au point de
vue des formes extérieures, le méhari est bien moins nettement
individualisé que notre cheval de course : après une expérience
évidemment trop courte, je ne me chargerais pas de distinguer à
première vue et à coup sûr un méhari d'un chameau. D'après les
indigènes eux-mêmes, c est un chameau individuellement choisi pour
ses allures et ses promesses d'avenir, et qu'on soumet, dés son
enfance, à un entraînement progressif : un chameau bien doué et
bien dressé.
" D'après une vieille instruction hygiénique mise à l'ordre
du jour de l'armée d'Afrique, " la viande de chameau est aussi
bonne et aussi saine que celle du bœuf ". C'est très juste,
la fibre est plus courte, mais la saveur est tout à fait la même;
il doit y avoir entre les deux une analogie profonde de composition.
Il y a en tous cas, entre les deux bêtes, une analogie évidente de
tempérament, quelque chose de lent, de passif, et presque de
rêveur; ce sont des animaux qui regardent vaguement quelque part.
Une petite anecdote arabe commente assez joliment cela: un voyageur,
après la sieste, ne retrouve plus son chameau, Enfin il l'aperçoit
et le rejoint; en se baissant pour ramasser la bride, il la trouve
engagée dans un trou de gerboise; c'est un tout petit rongeur,
grignoteur de cuir. " Si faible qu'il fût, dit Carrette, le
mouvement de traction " avait été senti par le méhari, qui
s'était laissé conduire par son petit guide avec sa docilité et
sa gravité habituelles. " Ce chameau qu'une souris conduit par
la bride est naturellement une bête de folklore. Mais nous sommes
loin du. cheval, de sa nervosité, de ses révoltes et de ses
élans. Le chameau n'a jamais de " sang ", comme on dit en
style hippique.
..........................................................
" Le chameau, fût-il méhari, est fait pour la progression
rectiligne, paisible, flâneuse, bovine, au pas, que la taille de
l'animal et la longueur de ses jambes rendent cependant
|
|