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fonctionnaient des « Écoles coraniques » dont l'enseignement était resté « immuable, tel qu'il était aux premiers âges de l'Islam » (1).
Pour juger avec équité l'œuvre de la France, au point de vue enseignement, il faut savoir que l'occupation du territoire algérien n'a été que progressivement réalisée. C'est seulement en 1840, au bout de dix ans, que le Gouvernement Français s'est décidément résolu à conserver la Régence. La pacification n'a été accomplie que par intervalles, suivant les circonstances: les Hauts Plateaux Algériens, Dielfa, Bou-Saâda, Laghouat, en 1852; la Kabylie, en 1857; en 1873, El-Goléa; en 1882, le M'Zab; en 1883, le Sud­Oranais (pacification) ; de 1899 à 1904, le Touat, In-Salah, le Tidikelt.
 
D'autre part, en France même, l'on n'est parvenu que par étapes successives, à l'organisation de l'enseignement public.
 
Il faut considérer, enfin, que les régimes qui se sont succédé dans la Métropole, depuis un siècle, n'ont pas tous, ni toujours, eu la même conception de l'organisation à adapter à l'Algérie. Or si, dans tous les systèmes politiques ou administratifs, l'instruction a son programme, il est évident que la nature des études est fonction du but à atteindre. Une monarchie n'a pas la même pédagogie qu'un Empire; l'Empire varie à cet égard suivant ses théories successives de colonisation ou de Royaume Arabe; une République, enfin, apporte des idées nouvelles, plus larges, plus généreuses, qui ne tardent pas à présenter l'enseignement sous des modalités nouvelles. De là, des tâtonnements, d'autant plus inévitables qu'en 1830 nous pénétrions dans un milieu à peu prés inexploré.

A peine installés à Alger, nous nous rendîmes compte d'une double nécessité : faire apprendre aux Français, venus en Afrique, la langue des indigènes, faire apprendre aux indigènes la langue française. Et ceci parut tout de suite importer beaucoup plus que cela.
 

« Il est bien plus pressant, écrit Genty de Bussy (2), de mettre les indigènes en possession de notre langue que pour nous d'étudier la leur. L'arabe ne nous serait utile que pour nos relations avec les Africains; le français non seulement commence leurs rapports avec nous, mais il est pour eux la clef avec laquelle ils doivent pénétrer dans le sanctuaire; il les met en contact avec nos livres, avec nos professeurs, c'est-à-dire avec la science elle-même. 
 

(1) Brunot, Maktab, 190 b. in. Encyclopédie de l'Islam, 39, 1929.

      

Au delà de l'arabe, il n'y a rien que la langue; au delà du français, il y tout ce que les connaissances humaines, tout ce que les progrès de l'intelligence ont entassé depuis tant d'années. »
 

On entreprit donc d'instruire les indigènes en leur enseignant le français.
La population citadine à Alger, et dans la plupart des villes d'Algérie, se composait de deux éléments distincts, les Maures et les Juifs. Les questions d'enseignement se présentaient pour eux de même manière. On ne pouvait cependant songer à réunir, sous l'autorité d'un même instituteur, les Israëlites et les Musulmans, à cause de leur antipathie réciproque. Cependant, les écoles fondées pour les Européens admettaient volontiers les indigènes, de quelque origine ou religion qu'ils fussent; mais si les Israélites n'avaient pas, à l'égard de ces établissements, la même défiance que les Maures, en fait ils n'y envoyaient guère leurs enfants, qui se trouvaient ainsi, comme les petits musulmans, échapper à l'enseignement français. On se décida donc à créer des écoles spéciales, écoles maures­françaises, écoles juives-françaises.
La première école juive-française, école de garçons, s'ouvrit à Alger en I832; la première école maure-française, de garçons aussi, fut fondée à Alger, en I836.
L'histoire des écoles communales israélites n'est pas longue. Oran eut son école de garçons en I833, Bône, en 1837. Une école de filles fut créée à Alger, en I836, une salle d'asile spéciale, en 1843. Il y eut, en outre, à Alger, en 1855, deux « institutions » juives-françaises. Cependant, l'ordonnance royale du 9 novembre-31 décembre 1845, « fixant l'organisation du culte israélite », réglementait la création et le fonctionnement de ces écoles.
 

« Il sera créé en Algérie, stipulait l'article 23, des salles d'asile et des écoles pour les israélites des deux sexes. Ces salles d'asile et ces écoles, prescrivait l'article 24, seront établies dans les locaux fournis à cet effet par l'Administration. Elles seront entretenues au moyen des subventions des consistoires, des rétributions des élèves payants et, s'il y a lieu, des subventions qui pourront être accordées par le Gouvernement (Art. 25). Les salles d'asile et les écoles israélites seront placées sous la surveillance
 

(2) De l'établissement des Français dans la Régence d'Alger et des moyens d'en assurer la prospérité, Paris, 1839, tome 11, page 205. Genty de Bussy avait été intendant civil de 1832 à 1835.

 
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