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   ouvert une semblable à Bône où « les enfants Maures en « âge d'apprendre dépassent le nombre de cent » et à Oran, où « ils seraient disposés à apprendre la langue « française ». Mais les locaux se trouvaient difficilement, et, surtout, on songeait à un autre moyen, qui paraissait devoir être plus efficace, d'amener à nous les indigènes. Ce moyen. « des plus infaillibles pour faire apprécier aux « Arabes les avantages de notre civilisation », écrivait (20 décembre 1837) au Maréchal Valée, Gouverneur Général, le Ministre de la Guerre, « ce serait d'obtenir l'envoi soit à Alger, soit à Paris même, d'un certain nombre de jeunes Arabes qui, après avoir été initiés aux connaissances diverses qu'on peut acquérir dans nos écoles, rentreraient ensuite dans les rangs de la population indigène où leur présence, leurs récits et les lumières qu'ils auraient acquises deviendraient alors de la plus haute utilité pour notre cause ». Et comme il importait que l'exemple vînt des chefs « qui jouissent parmi eux de la plus haute influence », c'est à Abd el Kader que le Ministre prescrivait de s'adresser d'abord, pour recruter ces jeunes indigènes. Mais ces ouvertures ne semblent pas avoir été fructueuses. Nous étions encore trop près de la période de lutte . Les vieilles familles indigènes demeuraient sur une certaine réserve, d'ailleurs bien compréhensible et excusable. L'expérience ne fut pas poursuivie.


Ne pouvant agir, comme on l'avait espéré, sur les chefs, on en revint à l'école primaire, pour la masse, et on entreprit de l'organiser. Le décret du 14 juillet-6 août 1850 créa six écoles musulmanes-françaises pour les garçons, à Alger, Constantine, Oran, Bône et Mostaganem, et pour les filles, à Alger, Constantine, Oran et Bône. Il amorça, en outre, des cours d'adultes à Alger, Oran, Constantine et la création progressive de classes nouvelles.
 
« L'enseignement primaire est gratuit », proclame ce décret. Il fixe les programmes d'études. Pour les garçons, la lecture et l'écriture du français, les éléments du calcul et le système légal des poids et mesures. Pour les filles, il y ajoute les travaux à l'aiguille.
 
C'était, en somme, généraliser, l'organisation de l'école maure-française de I836. L'école était plus arabe que française. C'est. à l'enseignement de l'arabe qu'étaient entièrement consacrées les classes du matin, dirigées par

       un maître adjoint musulman. Pour l'étude du français, l'instituteur ne disposait que des classes du soir. Mais l'enseignement de notre langue allait de pair avec d'autres matières; il s'avérait malaisé, le maître devant sans cesse recourir à la traduction en arabe. Cela, d'ailleurs, lui était prescrit :

« Dans les modèles d'écriture, dans les exercices de lecture et de grammaire française, le Directeur fera en sorte de donner à ses élèves, sous forme d'exemples, quelques notions élémentaires de morale, d'histoire, de géographie, d'histoire naturelle, d'agriculture, etc.... etc.... à la portée des commençants. Il aura soin de leur en donner l'explication fidèle en arabe de manière à les leur graver plus vite et plus profondément dans la mémoire. Toute allusion à la religion sera écartée de ces exercices. » (Arrêté portant règlement d'école primaire de garçons de Constantine, 25 juillet 1851, art. 7.)

Mêmes prescriptions pour les écoles de filles, avec les particularités suivantes : « Les deux premières heures de la classe du matin sont exclusivement consacrées à l'enseignement de la langue arabe. Le livre mis entre les mains des élèves est le Coran. La troisième heure est employée à des travaux d'aiguille appropriés aux moyens musulmans. Cette classe est faite sous la surveillance de la Directrice par la sous-maîtresse musulmane » (id. école de filles musulmanes de Constantine, 27 juillet I851, art. 4) Pendant les classes de l'après-midi, qui duraient quatre heures, les deux premières heures étaient concédées au français; les deux dernières « à des travaux à l'aiguille d'après des méthodes françaises ». Les mardi et jeudi, une demi-heure était consacrée « soit au savonnage, soit au repassage ». (art. 5).
 
En même temps que l'enseignement primaire élémentaire, l'on entreprenait d'organiser un enseignement secondaire et un enseignement supérieur pour les musulmans. Le Décret du 30 septembre I850 porta création de trois médersas, une par province, à Médéa (1) (pour Alger), à Tlemcen (pour Oran) et à Constantine.
Chaque médersa était placée près d'une mosquée : élèves, personnel, enseignement donné, tout y restait exclusivement arabe. On s'aperçut assez vite que les résultats ne répondaient

(1) La médersa de la province d'Alger fut transférée en 1855 à Blida, puis en 1859, à Alger.

 
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