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   guère aux espérances et, peu à peu, on essaya de retoucher l'institution pour l'améliorer : Ainsi, en I859, il fut décidé d'allouer à certains étudiants une sorte de solde; en I863, aux trois professeurs indigènes, fut adjoint un professeur français; mais tout l'enseignement continuait à être donné en arabe. En somme l'on peut dire que, dans tout ce qu'elles avaient d'essentiel, les dispositions de I850 persistèrent jusqu'en 1875.
Plus hardie était la création de collèges arabes-français. Sans doute, y avait-il déjà, dans les collèges ou au Lycée d'Alger, quelques élèves musulmans; mais c'étaient là des exceptions Il s'agissait de faire bénéficier plus largement les jeunes indigènes de notre enseignement secondaire, en l'adaptant à leur état, en le mettant à leur portée, en effaçant soigneusement tout ce qui pouvait heurter leurs idées et leurs mœurs. Le collège arabe-français d'Alger, créé par décret du 14 mars 1857, installé dans le bâtiment qui est devenu l'Hôtel du XIXème Corps d'Armée, admit même des Européens, mais seulement comme externes. Dans la pensée des promoteurs, le cours de leurs études achevé au collège, les élèves, qui devaient recevoir un diplôme spécial, continueraient ensuite leurs études au Lycée. Ils deviendraient ainsi soit les agents de notre administration, soit après un stage à l'École de médecine, créée le 4 août 1857, des sortes d'auxiliaires médicaux exerçant en tribu. Il est curieux de constater à quel point la fondation de cette École de médecine était liée à celle du collège arabe-français.

« C'était spécialement pour les Arabes que cette création avait sa raison d'être, écrit le Maréchal Randon dans ses Mémoires (1). Poursuivant cette pensée d'appeler à nous les Arabes par des bienfaits, le Gouverneur Général espérait que, sous la direction de professeurs intelligents, il serait possible de former des élèves indigènes qui, après avoir reçu les premières notions de médecine, de chirurgie, après avoir suivi le traitement des maladies dans nos hôpitaux, pourraient aller plus tard dans les tribus, sous la surveillance et avec les conseils de nos officiers de santé de régiments, exercer l'art de guérir... Les médecins ainsi formés seraient loin sans doute de rappeler l'habileté des médecins arabes dont l'histoire fait mention; mais ils n'en seraient pas moins utiles à leurs coreligionnaires : par eux pénétrerait, sous la tente, la connaissance du bien qu'une administration paternelle a le désir de répandre parmi les indigènes; ils seraient les missionnaires de la civilisation. »

(1) Paris, 1875, tome Ier, page 465.

       Le 16 juin 1865, un décret prononce la création de deux nouveaux collèges, l'un à Constantine, l'autre à Oran. Celui de Constantine s'ouvrit le 1er janvier 1867, dans un beau bâtiment construit sur les pentes du Sidi M'Cid. Il eut tout de suite 112 élèves, sur lesquels 108 étaient indigènes. En 1870, il en comptait 199, dont 117 indigènes.
Soit que les élèves ne fussent pas encore assez mûrs pour suivre avec profit le programme des études, soit qu'à cette époque il fût difficile d'appeler en Algérie des maîtres qualifiés, l'institution ne réalisa pas entièrement les espérances que nous avions conçues. Mais quelque jugement d'ordre pédagogique que notre expérience actuelle porte sur ces tentatives de début, elles n'en restent pas moins empreintes d'un large esprit de générosité. Le libéralisme de la France peut quelquefois se tromper : il est toujours humain et bienfaisant.
 
Le 28 octobre 1871, un arrêté de l'Amiral de Gueydon, Gouverneur Général, supprima de fait les collèges arabes­français, en versant leurs élèves, à Alger, au Lycée, à Constantine, au collège qui d'ailleurs, en profita pour s'installer dans les locaux de Sidi M'Cid (1). Il fut bien stipulé, dans les considérants de l'arrêté, que les deux établissements, réunis sous l'autorité du proviseur à Alger, du principal à Constantine, resteraient « entièrement distincts sous le rapport de l'organisation et que les élèves en seraient séparés non seulement pour l'accomplissement de leurs devoirs religieux, mais encore dans les réfectoires et dortoirs ».


Tout en s'ingéniant à créer pour les indigènes un enseignement secondaire (collèges) et un enseignement supérieur (médersas, école de médecine), l'administration du second Empire ne se désintéressait pas des modestes écoles primaires. Un décret impérial du 1er-31 octobre 1863 avait, d'ailleurs, créé un emploi d'inspecteur des établissements d'instruction publics ouverts aux indigènes. Ce fonctionnaire devait visiter non seulement les médersas, mais encore les écoles arabes-françaises et même les « écoles arabes », c'est-à-dire les écoles coraniques et les zaouïas. D'autre part, une Commission spéciale avait été constituée pour étudier toutes les questions se rattachant à l'enseignement des indigènes, formation et préparation des instituteurs, livres de classe, programmes, etc, etc...

(1) II n'y resta que jusqu'en 1874. Le bâtiment fut alors affecté à l'installation d'un hôpital civil.

 
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