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   A cette date (1865), il y a déjà quinze ans que fonctionnent les écoles musulmanes-françaises. Aussi n'en est-on plus alors aux vues purement théoriques et a priori de 1850. L'expérience acquise a servi. En elles-mêmes et par la précision avec laquelle elles sont formulées, les idées exprimées par la Commission sont vraiment remarquables pour l'époque. « Le programme, écrit le Gouverneur Général au Recteur (9 janvier 1865), me semble devoir être calqué sur celui de nos écoles primaires, en laissant une place à l'enseignement de l'arabe ». Et le Recteur se déclare du même avis: « A part l'enseignement religieux, dont on n'a pas à s'occuper, attendu qu'il importe de laisser le maître adjoint libre de le diriger comme il sait et comme il veut, on ne devra pas s'écarter en général du programme obligatoire des écoles primaires » (1). Dans le détail, les recommandations de la Commission, pour chaque matière d'enseignement, notamment pour le français, sont également fort intéressantes. Bref, on voit dès lors ce que doit être l'enseignement primaire à donner aux indigènes, dans les écoles qui leur sont destinées.
C'est en vue particulièrement d'améliorer le recrutement des maîtres pour les écoles d'indigènes, qu'est instituée à Alger, en 1865 (décret impérial du 4 mars-22 avril), une école normale primaire.

« Depuis longtemps, lit-on dans le Rapport à l'Empereur, les indigènes musulmans eux-mêmes consentent à confier leurs enfants à des maîtres français. Mais l'imperfection des méthodes d'enseignement et surtout la difficulté de recruter des maîtres capables sont un obstacle au progrès de notre influence sur la jeune génération. Ces maîtres, une école normale primaire peut seule les donner. En effet, si l'on veut que les écoles des­tinées à recevoir les jeunes Arabes contribuent à la propagation rapide de la langue et des idées françaises, il est nécessaire d'y placer des maîtres initiés à l'usage de l'arabe parlé, à la connaissance générale des mœurs, et capables d'adapter leurs méthodes aux habitudes intellectuelles des indigènes. Or, sans une préparation spéciale, il est évident que les instituteurs demeureront étrangers à ces connaissances et aux procédés qu'il convient d'employer, pour rendre leur enseignement profitable à tous les enfants de la Colonie. Ces considérations nous ont conduit à proposer à V. M. la création d'une école normale d'instituteurs pour les Européens et les indigènes. »

Le personnel devait comprendre des maîtres indigènes, et le nombre

(1) 3e réunion de la Commission, 28 janvier.

       des élèves musulmans à admettre était fixé au cinquième de l'effectif total. Le texte ajoute que les « élèves-maîtres indigènes seront l'objet de soins particuliers, aussi bien sous le rapport de l'exercice de leur culte, que sous le rapport de la nourriture et des soins de propreté. »
 
Au demeurant, si l'on considère dans son ensemble l'espace de vingt années qui va de 1850 à 1870 en le comparant à la période précédente (1830-I850), on y trouve sans doute la même préoccupation constante d'instruire les indigènes pour les rapprocher de nous, mais encore beaucoup plus d'efforts pour réaliser des institutions propres à atteindre le but. Le statut des écoles primaires reste à peu près le même, ainsi que l'enseignement qui y est donné; mais l'on crée et l'on ouvre des écoles nouvelles, du moins pour les garçons (il y en a 33 de plus en 1870 qu'en 1850) et l'on organise un enseignement secondaire, un enseignement supérieur; tout d'abord sans résultats très notables, mais qu'il est tout de même honorable d'avoir osé instaurer.
C'est de 1880 à 1890 que se fixe en France, dans ses éléments essentiels et dans ses grandes lignes, le principe de l'enseignement primaire. Il va en être de même en Algérie, même pour l'enseignement des indigènes, parce que la France ne tarde jamais à étendre à sa Colonie les bienfaits intellectuels, moraux et sociaux qu'elle a octroyés à ses enfants. C'est ainsi que les décrets des 13 février 1883 et 9 décembre 1887 portent application des lois du I6 juin 1881, du 28 mars 1882 et 30 octobre 1886.
D'après M. Emile Combes (1) « c'est le décret du 13 février 1883, préparé par les instructions de M. J. Ferry, Ministre de l'Instruction publique et par les enquêtes officielles de MM. Henri Lebourgeois, Stanislas Lebourgeois et surtout Masqueray, qui a ranimé l'enseignement (primaire des indigènes) en l'organisant sur un plan tout à fait nouveau ». Ce texte réglementaire créait des écoles enfantines pour les enfants indigènes des deux sexes (article 40) ; l'avenir a montré que cette innovation ingénieuse et d'intention excellente avait peu de portée, sans doute parce qu'elle était encore prématurée. On divisait, pour l'instruction primaire, les indigènes en deux catégories: ceux des communes de plein exercice ou mixtes, et ceux des circonscriptions exclusivement indigènes. Pour les premiers, plus de différence entre les enfants européens

(1) Rapport fait au nom de la Commission chargée d'examiner les modifications â introduire dans la législation et dans l'organisation des divers services de l'Algérie. (Instruction primaire des indigènes), Sénat, Annexe au procès-verbal de la séance du 18 mars 1892 (no 50), page 4.

 
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