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   ou indigènes: mêmes programmes qu'en France, l'histoire et la géographie de l'Algérie s'ajoutant toutefois à l'histoire et à la géographie de la France; même règlement pédagogique, celui du 27 juillet 1882. L'arabe figure à l'examen du certificat d'études primaires, comme épreuve facultative pour les Européens (article 17), obligatoire pour les indigènes (article 31 : langue arabe ou berbère lecture et écriture). Pour les communes indigènes - arabes ou berbères - l'article 42 prescrit « l'enseignement en français et en arabe ».
 
L'enseignement primaire indigène a bénéficié, en 1880, des grands courants d'idées créés par Jules Ferry, Ferdinand Buisson, P. Foncin, A. Rambaud. Quoi de plus significatif à cet égard que le décret du 9 novembre 1881 instituant en Kabylie « huit écoles primaires publiques », aux frais de l'État ? Aussi, dès lois, le nombre des écoles va-t-il en augmentant d'année en année. De 16 en I882, il passe à 94 en 1888, avec 34 classes annexées. Le chiffre des élèves s'était accru en proportion: de 3.172 en 1882, il était de 5.695 en 1885; de 10.688 en 1888. Ajoutons que la formation de maîtres et de maîtresses indigènes avait été prévue par l'institution de cours normaux (article 36 du décret) (1).
 
Et cependant, les résultats de l'enseignement n'étaient pas encore décisifs. C'est qu'on n'improvise pas en quelques années un système nouveau de formation des esprits. C'est qu'il faut tenir compte des différences considérables de races et de milieux. Il est peut-être plus facile de diriger la masse dans le sens de ses intérêts immédiats, que de mettre à sa portée un programme scolaire judicieusement établi. Mesurer l'intelligence arabo-berbère, explorer ses possibilités, ses défauts, discerner l'aliment intellectuel qui lui convient, cela n'est pas l'œuvre d'un jour. Des tâtonnements, des essais, une expérience attentive à l'enseignement des faits sont, dans ce domaine, indispensables.
 
L'Administration académique l'avait compris. De là le « Plan d'études et programmes de l'enseignement primaire des indigènes en Algérie », élaboré, en 1889 et en 1890, par une Commission siégeant à Constantine.
Ce « plan d'études », dont il faut, en toute impartialité,

(1) Il en fut institué deux, l'un à Alger, l'autre à Constantine.

       souligner la haute valeur, est destiné à toutes les écoles publiques d'indigènes d'Algérie, sans distinction entre les écoles des communes indigènes et les autres. Les matières d'enseignement restent celles qui avaient été prévues pour les écoles primaires de France, par l'arrêté ministériel du 18 janvier 1887; mais elles sont réparties autrement entre les différents cours et, sur certains points, complétées (histoire et géographie de l'Algérie). Mais quelle rénovation des méthodes, désormais actives, vivantes, efficaces Quelle préoccupation de donner un caractère d'utilité pratique à tout l'enseignement! Ainsi, on abandonne l'enseignement purement schématique et abstrait.. Pour l'agriculture, par exemple, au lieu d'une série de leçons ex cathédra, le maître professera au jardin, au champ d'expériences où, dès le cours élémentaire, les élèves seront conduits « pour s'exercer aux travaux de culture ». Les cours de géographie deviennent de véritables leçons de choses largement ouvertes à l'observation. Tandis que, pour le petit Français, dès la section enfantine, l'enseignement de notre parler national est orienté vers l'étude de l'orthographe (Exercices combinés de langage, de lecture et d'écriture préparant à l'orthographe), ce qu'on prétend apprendre à l'élève indigène, c'est la langue française en elle-même, ce sont les mots qui la composent, la combinaison de ces mots en propositions et en phrases; c'est non seulement l'intelligence du français, mais son usage courant. De là, dans l'enseignement des indigènes, la place prépondérante accordée aux exercices de langage. De là aussi, le dessein de faire concourir toutes les leçons à l'enseignement du français: « l'étude du français ne reste pas cantonnée en quelques exercices spéciaux. Elle résulte de toutes leçons de l'école. Géographie, arithmétique, dessin, travail manuel même: pas une matière qui ne contribue à enseigner le vocabulaire, à apprendre à s'exprimer. Il n'est pas jusqu'aux jeux qu'un maître habile ne puisse mettre à profit » (1).
 
Sans doute, peut-on adresser quelques critiques aux programmes de 1890, si notamment on les examine dans le détail; ils peuvent certes être remaniés - ils l'ont été en I898; - il n'en est pas moins vrai qu'ils ont déterminé nettement les méthodes à adopter pour la formation scolaire des indigènes et fixé définitivement, du moins pour une

(1) Plans d'études, Rapport de la Commission des Mémoires et documents scolaires publiés par le Musée Pédagogique, fasc. 114, 1890, pages VIII, IX.

 
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