Pages précédentes CAHIERS DU CENTENAIRE DE L'ALGÉRIE LIVRET 3 L'ÉVOLUTION DE L'ALGÉRIE de 1830 à 1930 Pages suivantes
- 86 - Table des matières - 87 -
   
   Elle continue: en matière de chemins de fer, comme en toutes les autres, la création ne s'arrête pas, rien n'est fixé. Naturellement le réseau des routes avait précédé celui des chemins de fer, depuis la guerre l'énorme développement des services automobiles a décuplé la vie de ce réseau, et compromis l'équilibre budgétaire des chemins de fer.

Mais ceci n'est pas une question proprement algérienne. C'est une question mondiale, et en particulier française.

Création des Ports et des Capitales

Une autre partie essentielle de l'outillage, ce sont les ports. En Algérie, l'étude de leur création ne peut pas être disjointe de celle des capitales.

On s'en aperçoit à une comparaison sommaire des trois chefs-lieux des trois départements algériens.
Alger est une ville de 215.000 habitants, dont 160,000 Européens et 55.000 Indigènes.
Oran a 150.000 habitants, dont 125.000 Européens et 25.000 Indigènes.
Ce sont des villes européennes.

On a le droit d'appeler Alger et Oran des villes monstres. Près de 300.000 Européens agglomérés dans ces deux villes seules, sur un total inférieur à 900.000 colons. Un tiers, c'est énorme. L'Algérie est au régime des villes monstres. Ainsi s'extériorise la constitution sociale du pays : une population rurale indigène encadrée par une bourgeoisie européenne.
Notez que la capitale du troisième département algé­rien, Constantine, reste loin en arrière. 93.000 habitants, dont la moitié Indigènes. La cause de ce retard est très évidente. Constantine est à 80 kilomètres de la mer. Ses ports vivent à part, Philippeville, et surtout Bône, la grande rivale de Constantine. Les villes monstres ont poussé au bord de la mer.

En Oranie, avant 1830, la vieille capitale était incon­testablement Tlemcen, qu'Oran a facilement et énormément surclassé parce que Tlemcen n'était pas un port.

Je suppose que c'est normal. Dans les colonies et les anciennes colonies anglaises, les capitales sont des ports : New-York, Le Cap, Sydney et Melbourne. Ainsi reste marqué l'ombilic par lequel l'enfant se rattachait à la mère.

Aucune de ces capitales n'est une création de toutes

      

pièces, non pas même Oran, qui était bien peu de chose en 1830, mais qui conserve dans ses vieilles fortifications, blasonnées aux armes d'Espagne, le souvenir d'un vieux passé.
Il est bien possible que nous nous soyons installés trop docilement sur les emplacements urbains antérieurs.
Le port d'Oran eût été bien mieux placé à Mers-el-Kébir. La bi-millénaire Constantine, juchée sur un rocher, étouffe aujourd'hui entre sa falaise et son canyon.

Les Anglais, dans leurs colonies, avec leur mépris hautain des « natives », se dégagent bien plus radicalement que nous des suggestions du passé, lorsqu'ils jugent expédient de le faire.

Au Maroc, le maréchal Lyautey s'est bien gardé, dans sa sagesse, d'installer sa capitale nouvelle à Fez ou à Marrakech. Il est certain que sous les Turcs Alger était la capitale et qu'elle l'est restée.

Après tout, sur cette côte algérienne, uniformément très mauvaise, il n'y avait pas un seul port naturel au profit duquel nous aurions pu être tentés d'abandonner Alger.
Nous y sommes donc restés, et il est curieux de voir comment nous l'avons transformé.

Dans la ville actuelle, en 1930, sur le terrain, et mieux encore peut-être sur une photographie d'avion, l'Alger turc qui est toujours là, et l'Alger français, se distinguent immédiatement.
L'Alger turc, c'est ce petit tas indistinct et saillant de petites maisons blanches agglomérées en carapace.

Indistinct : parce que, à l'échelle de la photographie, on ne peut pas distinguer le lacis enchevêtré des étroites ruelles, venelles et impasses. Saillant : parce que tout ça monte à l'assaut d'un éperon montagneux à pentes très raides; dans les venelles en escaliers, les êtres humains ne circulent qu'à pied, et les fardeaux à dos de bourriquot. Au sommet de l'éperon encroûté de minuscules cubes de pierres, se dresse hautement une grande bâtisse quadrangulaire, c'est l'ancienne Kasbah des deys, le château-fort. L'usage a étendu son nom à l'ensemble de l'Alger turc qui était, en effet, tout entier une forteresse.

Les limites de l'Alger turc restent admirablement nettes ce sont tout simplement les anciens fossés de l'Alger turc, à peine camouflés. Contre ces fossés-là est venu se briser l'armée de Charles-Quint.

Tout l'ensemble est pratiquement intact.

Tout autour, dans les deux sens, s'étend l'Alger français à

 
Pages précédentes   Table des matières   Pages suivantes