CAHIERS DU CENTENAIRE DE L'ALGÉRIE | LIVRET 6 | Art Antique et Art Musulman en Algérie | ||||
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A l'orchestre, plate-forme semi-circulaire, se
groupent les Magistrats; vingt-quatre gradins, divisés en deux;
parties par un palier, recueillent la foule gesticulante et loquace;
sur la scène, enfin, (large de 34 m. 30, profonde de 7 m. 15,
limitée par les six mètres du mur de fond), viennent évoluer les
acteurs qui, aux tirades pathétiques, enlèvent le masque pour
faire admirer le jeu mouvant de leur figure. Si le soleil numide
aiguise trop ses pointes, un immense velum couvre l'amphithéâtre;
des fleurs jonchent les gradins arrosés d'eau fraîche et de vin
parfumé: Public incompréhensif, bruyant, de paysans bronzés,
avares, âpres, processifs qui ont vendu leurs légumes et ont hâte
de regagner la campagne. Dans le ciel pesant, la journée tourne
comme un disque de plomb. Il flotte dans l'air ce souffle du sud,
l' "Africus ", cette poussière tenue et tiède
qui, aujourd'hui encore, affadit le cœur. Peut-être qu'à
l'orchestre, un jeune homme, que sa science précoce rend déjà
célèbre, murmure : " Je me laisse ravir au théâtre, "
plein d'images de mes misères, et d'aliments propres " à
nourrir ma flamme ". Cette phrase brûlante, beaucoup plus
tard, saint Augustin la notera, en songeant au théâtre de Carthage. Pour l'instant, l'âme africaine est encore prise dans le
terroir. Elle apparaît en quelques jeunes rhéteurs, aux cheveux
lustrés, qui rêvent de Carthage et de Rome. Elle s'agite surtout
parmi ces marchands, ces ruraux grossiers dont l'odeur forte tombe
des gradins. Il dut y avoir en Algérie de nombreux théâtres. Six seulement sont restés : à Djemila, Timgad, Guelma, Khamissa, Philippeville et Tipaza. Celui de Djemila mesure, dans sa plus grande largeur, 69 m. 70 cm. A l'orchestre, trois rangs de gradins, contenant 160 places. Sur les gradins, 2.500 spectateurs trouvaient à se caser. Le théâtre de Timgad (fig. 3) n'a que 63 m. 60. Il était plus petit que celui de Philippeville (82 m. 40), où tenaient 5 à 6.000 personnes, mais beaucoup plus vaste que celui de Madaure (33 m. 20). On a calculé que le théâtre de Timgad pouvait abriter 3.500 auditeurs Amphithéâtres, Cirques. - Seuls quelques vestiges subsistent. Dans les amphithéâtres, les gladiateurs. Dans les cirques, tournaient les courses de chars. L'amphithéâtre de Lambèse, situé entre le camp et la cité, étageait une vingtaine de gradins. Ils portaient des inscriptions marquant la place des curies. Arène 72 m. x 62 m. C'est dans l'amphithéâtre de Cherchell que sainte |
Marcienne, chrétienne berbère, coupable d'avoir brisé la statue de Diane,
aurait été livrée aux bêtes. La légende garde un\reflet d'histoire :
hostilités de races aggravant la rivalité. des cultes, juifs dénonciateurs,
païens avides du jeu des bestiaires, chrétiens encore timides qui créent de
leur foi ardente le miracle de la martyre.
Les thermes. - Les thermes ont été les salons publics de la vie
romaine. Pas de ville qui n'en contînt un ou plusieurs. Ils furent, à
l'origine, destinés à la classe moyenne et aux pauvres. Les riches avaient,
dans leurs villas, des salles de bains splendidement décorées. Peu à peu,
l'établissement public reçut une haute clientèle. C'est là, en effet,
comme sur le Forum, comme aujourd'hui sur le marché arabe, qu'on échangeait
les nouvelles. C'est là que, par des inscriptions murales, nous allions dire
des affiches, s'étalait toute une publicité : spectacles, avis de vente et
même, comme on l'a vu à Pompéi, éloge des candidats aux fonctions
municipales. Les thermes n'ont pas disparu sans recevoir une survie
littéraire. L'oisif élégant, suivi de ses esclaves, y tient audience. Entre
jeunes gens à la mode, on parle de la dernière course de chars, du jockey
maure qui, en dix ans, a déjà gagné un million et demi de sesterces; de
l'épitaphe qu'il serait séant clé donner au glorieux cheval Polydoxe,
" lequel saute haut comme une montagne ". Là se calculent les
chances du gladiateur samnite, fat, musclé, vainqueur bestial, qui tire l'œil
furtif des matrones et dont la cité attend impatiemment la venue. Les
thermes, note M. Albertini, " tiennent lieu aux Romains de café et de
cercle. Non seulement on s'y baigne, mais on y fait des exercices physiques,
on y cause, on y joue. Le Romain ou le Berbère romanisé passe, aux thermes,
une bonne partie du temps que ne lui prennent pas les affaires, sur le forum :
il n'est guère chez lui que pour dormir ". |
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