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forme de croix parsèment une niche de la façade. Il semble aussi
que les ornemanistes aient garni de faïence et d'émail les vides
des édifices qalaens. En même temps, les potiers créaient, pour
l'usage domestique, des vases d'un galbe élégant dont de nombreux
débris ont pu être retrouvés et étudiés par le général de
Beylié, MM. Van Gennep et Marçais. Citons un pot à col large et
à anses arrondies, une bouteille à goulot étiré avec une seule
anse, des anses de pots ou de bouteilles avec une pastille très
saillante qui offre au pouce de la main un point d'appui commode;
des pots à couvercles, des brûle-parfums, des coupes, des vases
décoratifs sur pieds ajourés, de nombreuses lampes suivant le
modèle antique, une sorte d'écritoire avec godets pour couleurs
différentes, etc... La décoration des poteries peut se grouper
comme il suit: décor gravé, d'une géométrie élémentaire
avec fréquence de parallèles ou de quadrillages; décor en petits
motifs gravés, motifs géométriques ou fleurs stylisées;
décor à garniture continue souvent avec étoiles à 4 ou 8
pointes qui laissent pressentir l'art futur de la gypsoplastie
maghrébine et andalouse.
Bougie n'a conservé que quelques traces des monuments que les
Beni-Hammad y élevèrent, après leur fuite de la Qala. C'est à
peine si l'on a pu découvrir l'emplacement de trois palais.
Toutefois, Bab-El-Bahr, « la porte sarrazine », est encore
imposante avec sa grande arcade brisée ouverte sur la mer.
L'art de la Qala réalise, sur celui de Sédrata, une notable
évolution. Il ne faut cependant pas y voir encore une formule
délicate et raffinée, comme celle qui inspire Kairouan et Mahdiya.
Ces premiers essais algériens sont d'allure empruntée, à côté
des belles oeuvres tunisiennes. Ils font un peu, sous leurs
vêtements d'arabesques neuves, figure de parents pauvres,
endimanchés, gênés aux entournures, engoncés dans ce tissu
oriental dont s'accoutume mal la rude carrure berbère. Mais le
progrès est saisissant.
En premier lieu, la céramique. La Qala a laissé des lambris, des
pavages en marqueterie de terre émaillée, ornés de motifs
cruciaux, d'étoiles, de rosaces. L'arc en ciel de la polychromie
parcourt les blancs, les verts, les violets et les jaunes. Elle
s'exerce également sur le plâtre qui protège les murs, sur la
verrerie qui commence, dans le petit royaume des Beni-Hammad, à
rechercher les riches scintillements et les irisations de bon goût. |
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En second lieu, se généralise le défoncement en niche, aéré au sommet
d'un arc de courbure diverse. Quelquefois, ce retrait cylindrique est
couronné d'une voûte criblée de trois colliers d'alvéoles,
concentriquement disposées autour du sommet. Véritable ruche, « nid
d'abeilles » qui décèle une réminiscence orientale. C'est l'annonce des
stalactites qui viendront bientôt suinter goutte à goutte des voûtes du
Maghreb musulman (fig. 32).
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En outre, on commence à meubler le vide des panneaux que l'école
byzantine algérienne avait souvent laissés stériles, arides,
déserts, seulement peuplés d'une sèche floraison. Une sève plus
fraîche circule dans l'arabesque et la gonfle; ses nervures se
bombent, ses découpures s'incurvent, les rinceaux s'étirent et
poussent des tiges alertes. Du bulbe lancéolé entrevu à la porte
du Minaret, s'élancent des spires florales qui s'enroulent les unes
aux autres. D'autres motifs s'enchevêtrent en forme de S. Des
feuilles clé trèfle s'arrondissent. La vigne chrétienne subsiste,
stylisée et déformée. La géométrie berbère garde encore
quelque dureté; mais elle tend à s'amollir; elle s'exerce aux
trouvailles plus savantes, à l'étoile à huit pointes dont tous
les angles sont droits, aux entrecroisements des longs galons
contenant des pastilles.
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