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L'ART TURCO-ALGÉRIEN
L'ART SOUS LA DOMINATION TURQUE (1)
Les conditions historiques et sociales
Au seuil du XVIème siècle, la " reconquista "
triomphe. Les Espagnols occupent plusieurs ports algériens. Ils
s'installent en face même d'Alger, sur un petit îlot, le Penon.
Les Algérois implorent le secours d'un aventurier turc, Arroudj. Le
Corsaire ensuite présente sa note. On murmure. Quelques cols
lestement tranchés, des têtes récalcitrantes que l'on allège de
leurs oreilles, et le voilà Sultan. Son frère Khaired-Din prend le
Penon et impose son autorité aux tribus. Il se déclare vassal du
Sultan de Constantinople. Désormais, l'histoire d'Alger sera,
jusqu'en 1830, une suite de révolutions du palais.
L'art turco-algérien est le reflet du milieu social et ethnique de
l'époque. D'abord, la milice, soldatesque venue d'Anatolie,
brutale, pillarde, turbulente, dédaigneuse du pleutre citadin, mais
crâne, mais audacieuse et splendide à la bataille. Ses émeutes
fréquentes forcent la Kasbah. Le poignard d'un janissaire, parfois
d'une belle damasquinure italienne, fait un Dey ; à l'intérieur,
le mauvais fusil à pierre d'un coupeur de routes fait un chef de
tribu. Il arrive qu'un jour, plusieurs Deys sont successivement
proclamés et assassinés; enfin, un vieil ânier transformé en
agha monte à son tour sur le trône. Quand par les ruelles de la
kasbah, on a longtemps mené les petits ânes d'Afrique, on peut
bien conduire les hommes. Le nouveau chef a la matraque véhémente.
Tuant, bastonnant, empalant, il rétablit l'ordre. Et le soir, un
riche collier de têtes coupées, à la porte Bab-Azoun, fit
l'admiration des badauds.
(1) A. Devoulx: Les édifices religieux de
l'ancien Alger - G. Marçais: Manuel d'art musulman. - P.
Ricard : Pour comprendre l'art musulman. |
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Ensuite, les Raïs, pirates enrichis par la course, renégats
pour la plupart. La Course, arme de la guerre sainte contre
l'Espagne, devient peu à peu une excellente affaire. On ne monte
plus à l'abordage pour sauver l'Islam, mais pour 'assurer en ce bas
monde, non négligeable, ma foi, une vie riante. Alger s'engraisse
de ces croisières. Elles lui portent les esclaves blancs, les
belles mécréantes, les marchandises d'Europe, tissus, matériaux,
victuailles. Grâces en soient rendues aux pirates, héros
commerciaux de l'Islam l'existence coule large et abondante, au bon
soleil, dans la ville blanche qui s'étage en triangle. Aussi les
raïs sont-ils, plus que le Dey, les chefs véritables. Ils ont pris
le cœur de la foule. Quelques-uns gardent, d'ailleurs, sous leurs
grosses moustaches, une trogne truculente et bonasse qui réjouit le
populaire. D'autres, plus raffinés, cherchent le confort. Ils
bâtissent des palais spacieux, des maisons de campagne luxueuses;
ils combinent dans leurs jardins, sur les coteaux de Mustapha, le
rythme des cyprès et des roses.
Troisième élément: les Musulmans d'Espagne réfugiés au Maghreb.
En 1248, après la prise de Séville, 300.000 Andalous s'établirent
en Afrique du Nord; nouvel exode en 1492, après la chute de
Grenade. Sous Philippe II, en 1566 et Philippe III en 1609, le
chiffre est de 1.500.000. Beaucoup se fixèrent à Alger. Haëdo
parle des Maures espagnols qui arrivaient " continuellement par
Marseille et autres ports de France où ils s'embarquaient
facilement ". Ils apportent, avec le souvenir de l'art
espagnol, les chansons nostalgiques de Grenade.
Enfin, les Israélites. - Ils immigrèrent dans la Régence surtout
au XVIème siècle. Plus tard, il en vint d'Italie, notamment de
Livourne. Leurs capitaux financent la course, leurs colporteurs
vendent en tribu des bijoux d'Italie. Sans doute, leur vie est-elle
parfois tragique. Avant de quitter la darse pour aller razzier en
mer le mécréant maudit, on se fait la main sur les juifs et sans
malice, on les assomme quelque peu. Mais, à la longue, leur
admirable génie d'adaptation vaincra toutes les résistances. Ils
seront tolérés. Au surplus, leurs bakchichs apaisent les aghas
voraces, magnifiques, toujours impécunieux.
Nous tenons maintenant les éléments générateurs de l'art
turco-algérien. C'est une rose des vents : influences turques
venues du Levant avec les janissaires; influences européennes de la
course et, principalement, influences italiennes importées par les
Israélites livournais ; réminiscences
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