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Mosquée de Sidi Mohammed Bou Qoubrin

Sidi Mohammed ben Abderrahmane, Bou Qoubrin, né dans le Djurdjura vers 1728, ancien élève de la fameuse Université égyptienne d'El-Azhar, est le fondateur de l'Ordre religieux kabyle, les Rahmania. A sa mort, en 1790, on l'inhuma dans son pays natal. Mais les Turcs, astucieux politiques, se défiaient de ces marabouts qui, une fois en terre, jouent à l'administration des tours du plus mauvais goût. Nuitamment, ils se saisirent des restes du saint. homme et l'ensevelirent à Alger. Vous croyez sans doute que les fidèles en restèrent quinauds? Inépuisable imagination berbère ! Elle attribua aussitôt au bienheureux Bou Qoubrin deux corps et deux tombeaux, l'un en Kabylie, l'autre à Alger. De là, le surnom de Bou Qoubrin (l'homme aux deux sépultures).
L'épigraphie dédicatoire, sur plaque de marbre, affirme que " celui qui visitera cette mosquée avec intention sera au nombre des heureux dans les deux vies, s'il plait à Dieu. Et la construction bénie a été faite en l'année 1206 ", soit 1792 de J.-C. L'édifice est un groupe de deux salles à trois nefs. La principale dresse, en avant du Mihrab, une coupole octogonale; le tombeau du saint est à droite.

Mosquée Ketchaoua

Construite en 1794, complètement remaniée pour devenir la cathédrale d'Alger, elle était couverte d'une vaste coupole dont chaque pan ouvrait, comme à Sidi Abderrahmane, trois fenêtres en triangle. La salle de prières mesurait 20mx24m Nef carrée, entourée de colonnes de marbre venues d'Italie; le mihrab à l'Orient, et, du côté opposé, comme à Bitchnin, deux galeries. Arcs en fer à cheval brisé. Suivant Devoulx, " des peintures et des inscriptions ornaient cet intérieur fort coquet et fort élégant ". A signaler la porte en bois sculptée par Ahmed ben Lablatchi, amin de la corporation des menuisiers, transportée ensuite à la mosquée d'Ali Bitchnin et qui figure aujourd'hui au Musée des Antiquités.
Les mosquées d'Ali Bitchnin et de Ketchaoua, d'autres encore de même période, mais d'intérêt secondaire, se caractérisent par la salle centrale, généralement carrée, surmontée d'une coupole à huit pans. Dispositif entièrement

      

nouveau, importé de Turquie. Nous voilà loin de l'oratoire moresque, avec ses nefs sensiblement égales, ses nombreux piliers, ses travées étroites.

La mosquée de la Pêcherie réalise un type exceptionnel à Alger.

Enfin, celles de Sidi-Abderrahmane et de Bou Qoubrin entrent dans un troisième groupe: elles sont des qoubbas utilisées comme salles de prières.

Beaucoup de mosquées, surtout en Oranie, restèrent fidèles à l'ancienne formule maghrébine. Celle du " Campement ", à Oran (XVIIIème siècle), conserve un décor traditionnel. Mais elle emprunte à la toile de fond du paysage un charme étrange. C'est Santa Cruz et sa croûte blonde, l'échancrure séparant des Planteurs le pic d'Aïdour, la poussière de perles broyées qui, vers le crépuscule, tombe sur la ville. Oran est là, entre cette mosquée turque et sa forteresse ibérique, Oran avec ses saveurs de tabac maure et d'anis, ses quais parfumés de blé et de soleil, ses malaguènas désespérées, le pouls de sa vie voluptueuse. L'art hispano-moresque prolongea ici ses dernières cadences. Pas une âme ne reste insensible au double appel de la mosquée et de Santa Cruz, sous ce ciel mobile, ce vent aigu, cette lumière qui, à grands éclats d'ombre et d'or, sculpte la vieille montagne espagnole.

Ne critiquons pas. trop l'architecture religieuse de la Régence. Elle a algérianisé un type de mosquée nouveau dans le pays. Un délicat évoquera les finesses de Cordoue, de Grenade et le bruissement continu que fait dans les oratoires de Tlemcen la vie nombreuse des arabesques. Le minaret hispano-moresque attire et concentre le fluide mystique de l'époque; il le restitue aux foules par secousses électriques; son magnétisme passe aux fidèles à l'heure de la prière. Le minaret turc, lui, a une destinée plus apaisée, une vocation moins ardente; il est gouvernemental, administratif, allais-je dire. Oui, le grand art a disparu. Mais la faute en est-elle aux Turcs? A ce Dey qui s'inquiète des hurlements des janissaires exigeant leur solde, il n'est guère opportun de demander une coupole à stalactites, un beau mihrab, une inscription amoureusement contournée. Convenons-en: la courbure d'un arc devient en somme secondaire,

 
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