|
Puis, quand le goût du luxe se fut répandu sous les successeurs
des premiers khalifes, des revêtements de mosaïques, de marbre,
d'or et d'argent vinrent en rehausser l'éclat.
Certains sanctuaires eurent pour mirhab une sorte de meuble
artistement sculpté, et souvent pris dans une châsse d'argent
massif, fouillée d'arabesques et semée de pierreries; mais, au
temps de la dynastie des parents du Prophète, le mirhab
n'est encore qu'une ébauche, que la ligne de contour rattache seule
à l'art.
L'origine du mimber fut non moins modeste, mais beaucoup
plus tourmentée. " L'an 7 de l'hégire, dit Makrîsi, le
Prophète fit installer dans sa mosquée de Médine une tribune en
bois de tamarix composée de quatre marches et une estrade à
laquelle il monta pour la lecture du prône, ainsi qu'autrefois il
était monté sur un tronc de palmier pour prêcher le Koran. "
Chacun des successeurs de Mahomet, à la fois souverain et
pontife, descendit un des degrés de l'escalier de cette chaire en
signe d'humilité, et Amrou, s'étant servi dans sa mosquée de
Fostat d'une tribune semblable, s'attira d'Omar la lettre suivante
scrupuleusement consignée dans la Topographie du Caire :
" On me dit que tu as fait mettre un mimber dans ta
mosquée. Tu veux donc t'élever au-dessus des fidèles? Tu veux
donc être debout pendant que les musulmans sont à tes pieds? Dès
que tu auras reçu cette lettre, brise cette chaire. " Amrou,
ajoute Makrîsi, s'empressa de la briser; et quelque temps encore
les khalifes furent seuls à gravir le mimber de Médine,
chacun d'eux continuant à se tenir sur la marche située au-dessous
de celle qu'avait occupée son prédécesseur, jusqu'à ce que Ali,
quatrième et dernier khalife légitime, se voyant arrivé à la
dernière, s'écria : " Descendrons-nous ainsi jusqu'au centre
de la terre ? " et remonta sur l'estrade à la place qu'avait
occupée Mahomet. Tous les khalifes suivirent depuis son exemple, et
le prédicant - khatib - se plaça sur le degré le plus
élevé de l'escalier.
|
|
|
|
Dès le règne d'Othman (25-36 - 644-655), une disposition
particulière fut en outre introduite dans l'ordonnance du
sanctuaire de la mosquée khalifale de la Mekke.
Une cloison à claire-voie - makhsourah - enferma le mirhab,
le mimber et le dekké de manière à établir une
enceinte réservée au souverain. Voici le passage de Makrîsi
relatif à cette clôture : " Le premier khalife qui établit
un makhsourah fut Othman. Ce makhsourah était bâti
en briques crues et il y avait des ouvertures pour que la foule
pût voir le khalife pendant la récitation de la khotba.
Omar-ibn-Abd-el-Aziz (99-101 - 717-720) fit le premier makhsourah
en bois de sadj. "
La religion n'avait rien à voir dans cette disposition nouvelle;
le makhsourah Othman n'avait qu'un but : mettre une
barrière entre lui et le poignard des partisans de Ali, qui
avaient choisi l'heure de la prière comme la plus propice à
l'exécution de leurs complots. Précaution inutile d'ailleurs, le
khalife fut assassiné au seuil de son makhsourah.
Néanmoins, chaque mosquée khalifale eut dans la suite son
grillage, et bientôt le mot makhsourah servit à désigner
le sanctuaire tout entier, alors même qu'il ne s'y trouvait aucune
trace de clôture. Quelques auteurs ont même appliqué cette
dénomination au sanctuaire des mosquées où jamais le khalife
n'officia.
De l'ensemble de ces témoignages, il ressort qu'aucune décoration
ne s'étendait aux murs de la mosquée primitive. Ses colonnes
étaient maçonnées en briques crues comme le reste. Avaient-elles
des chapiteaux? Ils eussent, dans ce cas, été enlevés aux
églises chrétiennes. |
|