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NOTE C.

 

La vérité sur la prétendue paix de Bougie (1). L'incident du 27 mars 1834 n'avait d'abord excité qu'une puissante préoccupation de curiosité. Bientôt il eut pour premier résultat le remplacement du colonel Duvivier ; depuis, il a exercé une influence marquée sur tout ce qui est survenu à Bougie : enfin, il est la cause éloignée, mais réelle, de l'assassinat commis seize mois après, le 4 août 1836, sur la propre personne de M. Salomon de Musis, autre commandant-supérieur. Voici le récit fidèle de cette série d'incidents ; les circonstances particulières à l'assassinat formeront un récit à part. Battues dans toutes les rencontres autour de Bougie, les tribus commençaient à se rendre à des idées de rapprochement. M. Duvivier recevait quelques propositions ; mais les progrès étaient naturellement lents, et les espérances d'une pacification générale encore éloignées. Parmi les tribus, celle des Beni-Mimoun, au sud, occupant le littoral, était à ménager. Les nouvelles relations au raient eu pour but, à l'avenir, de sauver les naufragés français qui, sans cette condition, seraient tombés, comme par le passé, sous le fer des Kabaïles sur cette côte inhospitalière. La tribu de Mezaya, à l'ouest, était aussi l'objet de l'attention particulière de M. le colonel Duvivier. Pauvre, et pour ce motif belliqueuse, elle se trouvait en outre la plus rapprochée de nos avant-postes, et pouvait, sans être trop aperçue, s'y porter brusquement en suivant la crête des hauteurs.

En accueillant ces propositions, et les communiquant à M. le comte d'Erlon, gouverneur-général, M. Duvivier lui annonçait que ce rapprochement avec les Mezaya et les Beni-Mimoun l'avait précisément éloigné de traiter avec les tribus intermédiaires des vallées , plus riches, par suite rivales et ennemies des autres. 

 

(1) Extrait de l'ouvrage de M. le colonel d'artillerie Lapène : Vingt-six mois de séjour à Bougie.

    

 

   
Ainsi , il avait négligé et regardé comme n'ayant pas l'influence qu'on voulait lui attribuer, Oulid-ou-Rabah, ce chef des Oulid-Flemzatz, dans la vallée de Messaoud, déjà en scène, lui troisième, sous le duc de Rovigo, plus tard défenseur équivoque de Bougie au moment de l'occupation, homme de tête et de courage d'ailleurs, et qui, dans les rencontres plus récentes, s'était toujours placé au premier rang de nos adversaires. Il avait, dit-on, à sa solde ou du moins sous son autorité immédiate, 100 ou 150 cavaliers. C'était le seul des cheikhs, ses rivaux, qui pût en réunir autant à la fois. La crainte de représailles de cet homme vindicatif paralysait les dispositions des autres tribus. Ce motif donnait encore de l'éloignement au colonel Duvivier pour ce chef ennemi. Oulid-ou-Rabah, dans sa féroce fierté de Kabaïle, projeta de tirer vengeance de ce dédain.

Il s'entendit à cet effet avec son beau-frère Médani, l'un des cinq Bougiotes qui avaient servi de guides aux Français pour l'expédition, homme de conduite équivoque depuis, mais dont le séjour était autorisé à Bougie. Quoique suspect à M. Duvivier et au gouverneur-général lui-même, il avait obtenu l'autorisation, pour son commerce, de pénétrer au sein des tribus des vallées, et d'en rap porter à la ville quelques denrées. Médani, repoussé par l'autorité militaire dans ses efforts de rapprochement avec Oulid-ou-Rabah, son affidé, offrit ses services à M. Lowasi , commissaire du roi. Ses offres furent accueillies.

Tel était l'état des choses au commencement de février 1835. De concert avec Médani, M. Lowasi écrit à son chef, à Alger, qu'un traité est faisable avec Oulid-ou-Rabah, malgré les préventions manifestées jusque-là dans la métropole contre ce Médani. Son intervention est acceptée. On lui donne mystérieusement qualité pour présenter des propositions au Kabaïle, recevoir les siennes et les remettre au commissaire du roi, chargé simplement de les faire parvenir à Alger, après en avoir prévenu l'autorité militaire de Bougie, à qui les négociations devaient ultérieurement être 

 
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