" Où irons-nous, en sortant de Paris, commença Maître
Pierre. Voulez-vous me suivre à Lyon? c'est un des voyages que j'ai
faits le plus souvent; et je crois, sans me flatter, connaître
assez bien les trois routes qui y conduisent: l'une qui, en quittant
la capitale, court sur la rive gauche de la Seine; l'autre qui court
sur la rive droite , et la troisième, qui passe par Troyes et par
Dijon : cette dernière est beaucoup plus longue.
« Quand je courus le monde pour la première fois j'étais
pauvre, mes bons amis, comme le sont les neuf dixièmes des hommes
quand ils commencent leur carrière. Je mets en fait qu'un dixième
au plus, parmi nous, entre dans la vie avec un patrimoine suffisant
pour le nourrir sans qu'il soit obligé de travailler. A bien
prendre, cette obligation est un bonheur. Elle nous met à l'abri
des vices que fait éclore la paresse, et, en donnant de l'exercice
à toutes nos facultés, nous procure mille jouissances, quand nous
savons toutefois avoir de la prévoyance, et mettre de côté sur
notre gain quelque chose, ne fût-ce qu'un sou par jour, comme le
prescrivait Franklin. Le résultat heureux n'est pas tant dans
l'importance de la somme épargnée, que dans l'habitude contractée
de ne jamais faire de dettes, et de surveiller sa petite dépense.
Je voyageais donc gaîment à pied, mon léger bagage en sautoir
dans une musette de cuir. Rousseau dit que c'est la meilleure
méthode pour connaître le pays et se bien porter. Les gens riches,
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