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Sa tactique consista à
harceler sans cesse les Français comme le taon harcèle le
cheval, à les attirer dans les montagnes ou dans le Sahara,
à couper leurs lignes de retraite et de communication, à
les fatiguer par des marches et des contremarches, tout en
demeurant insaisissable. « Quand ton armée marchera en
avant, écrivait-il à Bugeaud, nous nous retirerons, mais
elle sera forcée de se retirer et nous reviendrons. Nous
nous battrons quand nous le jugerons convenable; tu sais que
nous ne sommes pas des lâches. Quant à nous opposer aux
forces que tu promènes derrière toi, ce serait folie. Mais
nous les fatiguerons, nous les harcèlerons, nous les
détruirons en détail ; le climat fera le reste. La vague
se soulève-t-elle quand l'oiseau l'effleure? C'est l'image
de votre passage en Afrique. » « Si on les poursuit,
disait Saint-Arnaud, ils s'en vont comme des oiseaux; et
quand on s'en va, ils vous suivent comme des loups.» Grâce
à cette tactique, pratiquée avec une activité et une
fertilité de ressources prodigieuses, l'émir réussit à
prolonger la lutte pendant sept années. Il espérait nous
lasser et il faut convenir que l'histoire des onze
premières années de notre occupation pouvait lui donner
cet espoir. |
LES CAMPAGNES DE
1841-1843 |
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Le plan de Bugeaud consistait
à enlever à Abd-el-Kader ses places fortes, à razzier
impitoyablement toutes les tribus qui ne se soumettaient
point à nous et à les amener pour des motifs d'intérêt
matériel à abandonner l'émir. Dans la campagne du
printemps de 1841, il se proposait comme objectifs Takdempt
et Mascara, la nouvelle et l'ancienne capitale de l'émir.
Après avoir ravitaillé Médéa et Miliana, il partit de
Mostaganem pour Takdempt, qui avait été évacuée à notre
approche et dont nos troupes achevèrent la destruction ;
puis on se remit en marche pour Mascara, où on laissa une
forte garnison. Les tribus qui restaient fidèles à
Abd-el-Kader voyaient brûler leurs récoltes, enlever leurs
troupeaux et commençaient à trouver que la guerre leur
coûtait cher. En traversant la plaine d'Eghris, Bugeaud fit
moissonner par ses soldats les récoltes de blé et d'orge.
Pendant ce temps, Baraguey d'Halliers, parti de Blida,
détruisait Boghar et Taza, puis circulait entre Miliana et
Blida, razziant les tribus sur son passage. A l'automne,
Bugeaud se remit en campagne. Il ravagea de nouveau le pays
natal d'Abd-el-Kader, détruisant la zaouïa où il avait
été élevé, poursuivant partout les Hachem ses
contribules. Puis il détruisit Saïda et razzia la grande
tribu des Flittas. Pendant deux mois, les soldats n'eurent
pas un jour de repos; à la fin de la campagne, ils
n'avaient plus de souliers et marchaient nu-pieds. Nous
avions montré à Abd-el-Kader que nous' étions aussi
mobiles que lui, détruit ses forteresses et ses magasins.
Les résultats obtenus étaient importants, mais non
décisifs. |
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