Page précédente HISTOIRE DES COLONIES FRANÇAISES - Tome2 - Retour page Table des matières ALGÉRIE - LIVRE II  - CHAP. III Page suivante
  LA CONQUÊTE INTÉGRALE - BUGEAUD ET ABD-EL-KADER (1840-1848)  
     
  
Sa tactique consista à harceler sans cesse les Français comme le taon harcèle le cheval, à les attirer dans les montagnes ou dans le Sahara, à couper leurs lignes de retraite et de communication, à les fatiguer par des marches et des contremarches, tout en demeurant insaisissable. « Quand ton armée marchera en avant, écrivait-il à Bugeaud, nous nous retirerons, mais elle sera forcée de se retirer et nous reviendrons. Nous nous battrons quand nous le jugerons convenable; tu sais que nous ne sommes pas des lâches. Quant à nous opposer aux forces que tu promènes derrière toi, ce serait folie. Mais nous les fatiguerons, nous les harcèlerons, nous les détruirons en détail ; le climat fera le reste. La vague se soulève-t-elle quand l'oiseau l'effleure? C'est l'image de votre passage en Afrique. » « Si on les poursuit, disait Saint-Arnaud, ils s'en vont comme des oiseaux; et quand on s'en va, ils vous suivent comme des loups.» Grâce à cette tactique, pratiquée avec une activité et une fertilité de ressources prodigieuses, l'émir réussit à prolonger la lutte pendant sept années. Il espérait nous lasser et il faut convenir que l'histoire des onze premières années de notre occupation pouvait lui donner cet espoir.

LES CAMPAGNES DE 1841-1843

 
Le plan de Bugeaud consistait à enlever à Abd-el-Kader ses places fortes, à razzier impitoyablement toutes les tribus qui ne se soumettaient point à nous et à les amener pour des motifs d'intérêt matériel à abandonner l'émir. Dans la campagne du printemps de 1841, il se proposait comme objectifs Takdempt et Mascara, la nouvelle et l'ancienne capitale de l'émir. Après avoir ravitaillé Médéa et Miliana, il partit de Mostaganem pour Takdempt, qui avait été évacuée à notre approche et dont nos troupes achevèrent la destruction ; puis on se remit en marche pour Mascara, où on laissa une forte garnison. Les tribus qui restaient fidèles à Abd-el-Kader voyaient brûler leurs récoltes, enlever leurs troupeaux et commençaient à trouver que la guerre leur coûtait cher. En traversant la plaine d'Eghris, Bugeaud fit moissonner par ses soldats les récoltes de blé et d'orge. Pendant ce temps, Baraguey d'Halliers, parti de Blida, détruisait Boghar et Taza, puis circulait entre Miliana et Blida, razziant les tribus sur son passage. A l'automne, Bugeaud se remit en campagne. Il ravagea de nouveau le pays natal d'Abd-el-Kader, détruisant la zaouïa où il avait été élevé, poursuivant partout les Hachem ses contribules. Puis il détruisit Saïda et razzia la grande tribu des Flittas. Pendant deux mois, les soldats n'eurent pas un jour de repos; à la fin de la campagne, ils n'avaient plus de souliers et marchaient nu-pieds. Nous avions montré à Abd-el-Kader que nous' étions aussi mobiles que lui, détruit ses forteresses et ses magasins. Les résultats obtenus étaient importants, mais non décisifs.
 
  229  
Page précédente Retour page Table des matières Page suivante