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  LA CONQUÊTE INTÉGRALE - BUGEAUD ET ABD-EL-KADER (1840-1848)  
     
  
Beaucoup d'indigènes n'auraient pas mieux demandé que de venir à nous, mais nous étions impuissants à les protéger contre la vengeance de l'émir. Dès que celui-ci reparaissait, elles se ralliaient à lui autant par intérêt que par conviction. L'année 1843 débuta par une révolte des tribus qui venaient de se soumettre à la suite de la réapparition d'Abd-el-Kader dans la vallée du Chélif. On reconnut la nécessité d'y créer un établissement permanent pour surveiller à la fois l'Ouarsenis et le Dahra, et sur les ruines d'El-Esnam on fonda Orléansville. Puis on occupa Tenès, Tiaret, Teniet-el-Had.
 

LA PRISE DE LA SMALA (16 MAI 1843)

 
Pendant que le gouverneur général établissait notre autorité dans la vallée du Chélif et que La Moricière manoeuvrait du côté de Tiaret, le jeune duc d'Aumale, qui venait d'être appelé au commandement de la subdivision de Médéa, s'avançait dans le Sud à la recherche de la smala d'Abd-el-Kader, et, par un coup de main dont le magnifique résultat peut seul justifier la témérité, parvenait à porter à la puissance de l'émir le coup le plus sensible qu'elle eût encore reçu. La smala était une grande ville de tentes où campaient, avec leurs femmes, leurs enfants, leurs troupeaux, des fractions de tribus et des tribus entières; il y avait là 300 douars et plus de 20 000 individus, voire même 60 000 d'après certaines évaluations. Sorti de Boghar avec 1 300 fantassins et 600 cavaliers, le duc d'Aumale, après avoir marché par un sirocco accablant, apprit par le guide de la colonne que la smala se trouvait à la source de Taguin. Laissant en arrière les zouaves et l'artillerie, il fond à l'improviste sur cette masse humaine avec ses 600 cavaliers divisés en trois groupes, Morris à droite, Yusuf à gauche, lui-même au centre et profite du premier moment de surprise et d'effroi pour la mettre en déroute.

Ce fut une confusion inexprimable; toute cette foule fut prise de panique. Comme on ne pouvait tout emmener, on en isola une partie et on laissa fuir le reste; on avait fait 3 000 prisonniers, enlevé 4 drapeaux, un canon et un immense butin; on s'était emparé de la tente d'Abd­el-Kader, dont la mère et la femme se sauvèrent à grand'peine : « Pour entrer avec 600 hommes au milieu d'une pareille population, dit le colonel Charras, il fallait avoir vingt-trois ans, ne pas savoir ce que c'est que le danger ou bien avoir le diable au ventre. Les femmes n'avaient qu'à tendre les cordes des tentes sur le chemin des chevaux pour les faire culbuter et qu'à jeter leurs pantoufles à la tête des soldats pour les exterminer tous depuis le premier jusqu'au dernier. »

 
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