Pendant que le gouverneur
général établissait notre autorité dans la vallée du
Chélif et que La Moricière manoeuvrait du côté de
Tiaret, le jeune duc d'Aumale, qui venait d'être appelé au
commandement de la subdivision de Médéa, s'avançait dans
le Sud à la recherche de la smala d'Abd-el-Kader, et, par
un coup de main dont le magnifique résultat peut seul
justifier la témérité, parvenait à porter à la
puissance de l'émir le coup le plus sensible qu'elle eût
encore reçu. La smala était une grande ville de tentes où
campaient, avec leurs femmes, leurs enfants, leurs
troupeaux, des fractions de tribus et des tribus entières;
il y avait là 300 douars et plus de 20 000 individus, voire
même 60 000 d'après certaines évaluations. Sorti de
Boghar avec 1 300 fantassins et 600 cavaliers, le duc
d'Aumale, après avoir marché par un sirocco accablant,
apprit par le guide de la colonne que la smala se trouvait
à la source de Taguin. Laissant en arrière les zouaves et
l'artillerie, il fond à l'improviste sur cette masse
humaine avec ses 600 cavaliers divisés en trois groupes,
Morris à droite, Yusuf à gauche, lui-même au centre et
profite du premier moment de surprise et d'effroi pour la
mettre en déroute.
Ce fut une confusion inexprimable; toute cette foule fut
prise de panique. Comme on ne pouvait tout emmener, on en
isola une partie et on laissa fuir le reste; on avait fait 3
000 prisonniers, enlevé 4 drapeaux, un canon et un immense
butin; on s'était emparé de la tente d'Abdel-Kader, dont
la mère et la femme se sauvèrent à grand'peine : « Pour
entrer avec 600 hommes au milieu d'une pareille population,
dit le colonel Charras, il fallait avoir vingt-trois ans, ne
pas savoir ce que c'est que le danger ou bien avoir le
diable au ventre. Les femmes n'avaient qu'à tendre les
cordes des tentes sur le chemin des chevaux pour les faire
culbuter et qu'à jeter leurs pantoufles à la tête des
soldats pour les exterminer tous depuis le premier jusqu'au
dernier. » |