Malgré les veilles et les fatigues, le gouverneur, grâce à
sa forte organisation physique et morale, conserva son calme
et sa sérénité. Quand il rentra à Alger avec une capote
militaire usée jusqu'à la corde, entouré d'un état-major
dont les habits étaient en lambeaux, marchant à la tête
d'une colonne de soldats bronzés, amaigris, aux figures
résolues et portant fièrement leurs guenilles, la population
lui fit un accueil enthousiaste.
Pendant cette poursuite, la Deïra d'Abd-el-Kader, résidu
de la Smala, autour de laquelle venaient se grouper les
mécontents, les émigrés, les déserteurs, tous les ennemis
de la France, était demeurée campée à la frontière
marocaine. Dans la nuit du 26 au 27 avril, 270 prisonniers
français y furent égorgés. Abd-el-Kader s'est toujours
défendu d'avoir ordonné ce massacre; c'est son khalifa
Mustapha-ben-Thami qui doit en porter la responsabilité.
Abd-el-Kader, on l'a dit, en faisant des prisonniers, avait
agi contrairement aux usages de sa religion et de son milieu,
l'habitude des indigènes, dans les guerres avec les
chrétiens, étant de décapiter et de mutiler ceux qui
tombaient entre leurs mains. Les prisonniers étaient une
gêne parce qu'ils exigeaient une garde et que les vivres
faisaient défaut.
Ben-Thami voulut aussi de cette façon donner un gage aux
fanatiques et empêcher la désagrégation de la Deïra, que
plusieurs fractions avaient déjà quittée. |