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Mais désormais, un fait est
acquis : c'est que les Français n'abandonneront pas
l'Algérie, qu'ils ne se borneront pas non plus à occuper
quelques points sur le littoral, mais que, tôt ou tard, les
indigènes devront se soumettre à leur hégémonie, dont ne
les garantiront ni les montagnes, ni le désert. Abd-el-Kader,
qui luttait contre nous dans des conditions exceptionnellement
favorables, a été vaincu par Bugeaud ; aux yeux mêmes des
indigènes, Dieu s'est prononcé en notre faveur. Çà et là,
ils essaieront encore d'en appeler de ce jugement et de faire
parler la poudre, mais jamais plus ils ne trouveront un pareil
chef; jamais plus l'incendie allumé sur quelques points ne
s'étendra à l'Algérie tout entière. Jamais plus, tout au
moins aux yeux des hommes clairvoyants, Français ou
indigènes, la question ne se posera de savoir à qui, en fin
de compte, doit appartenir la Berbérie. La situation, à bien
des égards, est comparable à celle de la Gaule après la
chute de Vercingétorix. Il y aura encore de brillants faits
d'armes, de pénibles expéditions, de glorieuses conquêtes.
Cependant les questions relatives à l'organisation du pays et
à sa mise en valeur passent désormais au premier plan. Ce
sont celles auxquelles l'historien doit s'attacher de
préférence à partir de cette époque. |
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LA RÉVOLUTION DE
1848 ET SES CONSÉQUENCES |
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Presque tous les généraux
d'Afrique jouèrent un rôle politique dans la révolution de
1848 et furent députés à la Constituante ou à la
Législative, car tous les militaires étaient à cette
époque, comme l'on sait, électeurs et éligibles, non sans
dommage pour la discipline de l'armée. La plupart de ces
officiers ne sortirent d'ailleurs pas grandis d'avoir été
mêlés aux agitations politiques. Bugeaud, bien qu'il eût
offert à Louis-Philippe de réprimer l'émeute par les moyens
les plus énergiques, était disposé, d'après divers
témoignages, à se rallier à la République, espérant en
devenir le chef. Mme Dosne, dans ses Mémoires, le
montre " bavardant comme une vieille femme, toujours
préoccupé de lui-même, d'une vanité de sauvage ".
" C'est grand'pitié, dit-elle, de le considérer de
près; probablement sur un champ de bataille il aurait sa
véritable valeur, mais hors de là ! " La candidature du
maréchal à la présidence de la République prit un moment
une certaine consistance, mais il ne tarda pas à se désister
devant les progrès de la candidature du prince
Louis-Napoléon, et il fut nommé au commandement de l'armée
des Alpes. Il était d'ailleurs malade et usé; il mourut du
choléra en juin 1849. Changarnier, qui commandait l'armée de
Paris, aspirait, lui aussi, à la présidence de la
République : " Il a la tête un peu tournée, dit encore
Mme Dosne. Il croit, parce qu'il a une armée dans les mains,
tenir avec elle les destinées du pays. Aussi habile militaire
que pauvre tête politique, il veut avoir un pied dans tous
les camps. " |
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