La première solution eût été la plus rationnelle et la mieux
appropriée aux circonstances; elle était préconisée par Randon,
qui se heurtait à une sourde opposition des bureaux du ministère
de la Guerre. Il chercha en dehors du ministère un intermédiaire
par lequel il pût faire parvenir ses doléances à l'Empereur. M.
Fould, ministre d'État, devint le correspondant officieux du
gouverneur, qui lui exposa, dans des lettres destinées à être
mises sous les yeux du souverain, ses idées sur l'organisation des
pouvoirs publics en Algérie. Il concluait qu'il fallait donner au
gouverneur général une plus grande indépendance, soit qu'on lui
attribuât le rang de ministre, soit qu'il relevât de chacun des
ministres pour les détails spéciaux de chaque service; il pensait
que, dans ce dernier cas, l'éparpillement du contrôle
équivaudrait à une complète liberté.
Ces propositions parurent séduire l'Empereur. Les lettres du
gouverneur furent soumises à M. Troplong, président du Sénat,
chargé de formuler en décrets les mesures qu'elles recommandaient.
Ces décrets furent élaborés et même imprimés; ils allaient
paraître, lorsque l'Empereur, au moment de les signer, se ravisa et
voulut consulter le maréchal Vaillant, ministre de la Guerre;
celui-ci combattit les idées de son subordonné et réussit à les
faire écarter. La solution qui prévalut fut le rattachement à
Paris et la création du ministère de l'Algérie.
L'histoire de l'Algérie sous le Second Empire est
essentiellement celle d'un long conflit entre l'élément civil et
l'élément militaire. L'affaire Doineau (1856) en fut la
manifestation la plus aiguë et contribua à l'aviver. Le capitaine
Doineau, chef du bureau arabe de Tlemcen, était, dit du Barail, «
un grand gaillard à l'air hardi, qui portait la tête haute et le
nez en l'air, bon garçon, cordial, la main ouverte, prêt à rendre
service, intelligent, rompu aux finesses de la diplomatie arabe,
complètement maître de l'esprit de son général, qui ne voyait
que par ses yeux; en somme, agent précieux, mais trop disposé à
gagner à la main. » Il y avait entre lui et l'agha des Beni-Snous,
Mohammed-ben-Abdallah, une haine farouche, irréconciliable.
Le 12 septembre 1856, à trois heures du matin, l'agha
Ben-Abdallah prit la diligence de Tlemcen pour se rendre à Oran. Un
quart d'heure environ après être sortie de Tlemcen, la voiture fut
entourée par une douzaine de cavaliers portant le costume
indigène; les uns suivaient la diligence depuis les abords de la
ville, les autres étaient sortis d'un bois d'oliviers qui longeait
la route. Des coups de feu se font entendre, les chevaux sont
arrêtés, l'agha et son interprète Hamadi, qui occupaient le
coupé de la diligence, sont tués à bout portant; un des voyageurs
de l'intérieur, M. Valette, est tué aussi par une balle égarée.
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