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Les promesses de réorganisation
politique et administrative, les perpétuels changements
d'orientation avaient fatigué et surexcité les esprits, en
discréditant le régime militaire sans parvenir à le
remplacer. Les conseils municipaux et les Comités de défense
entrèrent en lutte avec les agents militaires ou civils du
gouvernement central et avec ce gouvernement lui-même; ce fut
un pêle-mêle orageux d'opinions, de tendances, de
résolutions diverses. |
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LES TROUBLES
INTÉRIEURS (1870-1871) |
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La République fut proclamée en
Algérie sans troubles graves. La population européenne salua
son avènement avec joie; l'Empire avait en Algérie de
sérieux et redoutables adversaires; seule, avec la Seine et
les Bouches-du-Rhône, elle avait voté non au plébiscite.
Les indigènes accueillirent la nouvelle de la révolution
avec une surprise mêlée d'inquiétude. Surtout la nouvelle
de la captivité de l'Empereur émut vivement les grands
chefs; les musulmans incarnent un peuple dans le sultan que
Dieu a mis à sa tête; l'Empereur vaincu et prisonnier,
c'était pour eux l'anéantissement de la France.
Le général Durrieu, gouverneur général par intérim,
écrivait au ministre de la Guerre : " Les derniers
revers de l'armée réclament le maintien de l'ordre en
Algérie; le spectacle du désordre ébranlerait fortement les
indigènes en leur enlevant la confiance dans notre
gouvernement. " Le docteur Warnier, nommé préfet
d'Alger en remplacement de M. Le Myre de Villers, était
estimé de tous et connaissait de longue date les questions
algériennes : " Aucune agitation, même innocente,
disait-il dans sa proclamation, ne peut se produire parmi nous
sans avoir son contre-coup dans l'intérieur. " A Oran,
M. Brosselard fut remplacé par M. du Bouzet, rédacteur du
Temps, ancien professeur de philosophie au lycée d'Alger,
publiciste distingué et homme des plus honorables. A
Constantine, M. Toustain du Manoir fit place à M. Lucet,
ferme et conciliant, qui habitait le pays depuis longtemps et
y jouissait d'une certaine popularité. Mais bientôt le
gouverneur général et les préfets rencontrèrent des
difficultés sérieuses, provenant des excitations de la
presse, de l'effervescence d'une partie de la population et
surtout de l'ingérence des conseils municipaux et des
Comités de défense dans leurs attributions administratives.
Les Comités de défense étaient issus de l'idée que, par
suite de la révolution, tous les pouvoirs anciens étant
abolis, le droit d'initiative était ouvert à chacun des
citoyens. Ils envoyèrent des délégués à Tours, chargés
de presser la substitution du régime civil au régime
militaire et de demander que les troupes qui se trouvaient
encore en Algérie en fussent éloignées. |
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