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  L'ALGÉRIE DE 1870 à 1890  
     
   Le Conseil d'enquête sur les capitulations blâma les chefs qui avaient accepté pour leurs officiers ces conditions contraires aux règlements militaires ; il y avait néanmoins parmi ces derniers des hommes de cœur et de courage, enveloppés dans un concours funeste de circonstances. Le gouvernement chercha à les employer en Algérie, pour rendre ainsi disponibles les officiers dont ils prendraient la place. Mais cette mesure rencontra une vive opposition. Il y eut des manifestations publiques ; les fonctionnaires résistèrent aux injonctions du gouvernement; des avanies de toutes sortes furent prodiguées aux officiers capitulés, dont une partie seulement purent prendre possession de leurs postes; à Constantine et à Philippeville, ils furent définitivement repoussés.

Un des décrets du 24 octobre était venu mettre le comble aux humiliations de l'armée, attaquée de tous côtés, en décidant que les officiers dans le commandement desquels aurait éclaté une insurrection seraient traduits devant un conseil de guerre. Ce décret était destiné, d'après les termes mêmes de la lettre d'envoi, à mettre fin à la politique antinationale des bureaux arabes; il provoqua une épidémie de démissions. Le général Lallemand, qui avait été nommé au commandement supérieur des forces de terre et de mer et avait pris possession de ses fonctions le 10 novembre, protesta énergiquement auprès de M. Crémieux. Lui-même avait été officier de bureau arabe : " Chanzy, Ducrot et Vinoy, écrivait-il, ont exercé ces fonctions et il y a parmi les chefs actuels beaucoup de nobles cœurs qui battent à l'unisson des leurs. " Le général Lallemand fit appel au dévouement des officiers pour reprendre leur démission : " Lorsqu'il sera possible, disait-il, de remplacer par une administration civile l'administration militaire, nous nous effacerons avec joie, nous nous retirerons avec la ferme conviction d'avoir accompli une mission utile à la France. Mais, tant qu'il ne sera pas possible d'organiser un autre rouage administratif, nous devons rester sur la brèche, exposés aux reproches immérités et à l'animadversion des gens ignorant le pays et les difficultés qu'il présente. Se retirer en ce moment, ce serait commettre une mauvaise action et compromettre la chose publique. "

Un autre décret du 24 décembre enlevait " immédiatement " à l'administration militaire le territoire des tribus contiguës aux territoires civils déjà existants mesure bien anodine en apparence et qui fut plus tard réalisée sans inconvénients. Cependant, de tous les décrets du gouvernement de la défense nationale, c'est celui qui eut pour l'Algérie les conséquences les plus funestes, parce qu'il supprimait en fait la police judiciaire dans les trois quarts des territoires indigènes de la province de Constantine, qui échappaient ainsi à toute surveillance.

 
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