|
Du Bouzet ne tarda pas à entrer
en conflit avec Vuillermoz et avec le conseil municipal
d'Alger. Le palais du gouvernement fut de nouveau envahi, et
on voulut se débarrasser de Du Bouzet comme on l'avait fait
d'Esterhazy. Il fut finalement révoqué, s'étant trouvé en
désaccord avec Crémieux sur la manière dont les Israélites
seraient inscrits sur les listes électorales ; il était en
réalité sacrifié à la Commune révolutionnaire d'Alger (8
février 1871). M. Lambert, préfet d'Oran, qui le remplaça,
leva l'état de siège établi par son prédécesseur, mais ne
tarda pas lui aussi à avoir des difficultés avec le conseil
d'Alger. Il fut révoqué à son tour et remplacé par
l'amiral de Gueydon (29 mars), avec M. Tassin comme directeur
des affaires civiles; le général Lallemand demeura
commandant militaire. Il y eut de nouvelles protestations
violentes et menaçantes des éléments révolutionnaires, qui
prétendirent voir dans la nomination de l'amiral de Gueydon
une restauration du régime militaire. Le nouveau gouverneur
prit néanmoins possession de son poste le 10 avril. Les
agitateurs avaient acheté des sifflets pour son arrivée,
mais n'osèrent pas s'en servir. L'amiral fit débarquer 30
matelots de l'escadre avec leurs armes et leurs hamacs, et les
installa dans son palais pour se couvrir contre toute surprise
analogue à celles dont avaient été victimes plusieurs de
ses prédécesseurs. C'était sa seule force, elle suffit à
le faire respecter. Une seule fois, une députation se
présenta au palais ; l'amiral descendit immédiatement dans
la cour intérieure : " Messieurs, me voici, que me
voulez-vous? Est-ce l'état de siège? - Non, non, "
répondit la députation, et elle se retira sans insister.
La période de troubles qui avait commencé en septembre 1870
prit donc fin en avril 1871 avec l'arrivée de l'amiral de
Gueydon. Mais à ce moment, depuis le mois de janvier,
l'Algérie était en proie à une très grave insurrection
indigène, qui réunissait pour la première fois contre nous
les Arabes et les Kabyles, les chefs de l'ancienne
aristocratie et ceux des confréries religieuses. Si elle
avait éclaté plus tôt, elle nous eût obligés à
reconquérir le pays tout entier. |
|
II |
L'INSURRECTION DE
1871 |
|
L'insurrection algérienne de
1871 ne fut ni la révolte de l'opprimé contre l'oppresseur,
ni la revendication d'une nationalité inexistante, ni une
guerre de religion, ni une guerre de race. Elle fut la
conséquence de nos luttes politiques et des malheurs de la
patrie, dont l'Algérie comme toujours subit le contre-coup.
Il n'est pas bon qu'une population conquise voie l'anarchie
dans le camp du vainqueur.
|
|
|