Page précédente HISTOIRE DES COLONIES FRANÇAISES - Tome2 - Retour page Table des matières ALGÉRIE - LIVRE III  - CHAP. 3 Page suivante
  L'ALGÉRIE DE 1870 à 1890  
     
   Le discrédit de l'autorité militaire, l'impuissance de l'autorité civile contre les désordres de la rue, avaient révélé le secret de notre faiblesse à ce peuple qui a la superstition de la force. Les causes de l'insurrection furent multiples, comme l'indiqua plus tard l'amiral de Gueydon dans sa déposition : « Une réaction bruyante contre les condescendances du système impérial envers le peuple indigène et surtout contre les privilèges et l'autorité des chefs arabes ; en même temps, une mesure qui blessa profondément tous les cœurs musulmans, la naturalisation des Israélites ; le spectacle dans nos villes d'autorités françaises méconnues, insultées, arrêtées même ; l'injure et la menace partout prodiguées, plus spécialement aux officiers préposés au maintien de notre domination en pays arabe; le départ pour la France de toutes les garnisons ; les récits apportés dans chaque tribu par les tirailleurs algériens échappés à nos désastres ; enfin, comme dernière manifestation de notre prétendue impuissance, l'insurrection de Paris, telles sont les causes qui, en surexcitant au plus haut degré les espérances, ont fait l'insurrection de 1871. »
 
Les inquiétudes des chefs indigènes étaient suivies et entretenues par les Allemands, qui, dès le mois de juillet, se préoccupèrent de nous créer des difficultés en Algérie; ils envoyèrent sur le littoral de la Méditerranée des espions et des émissaires; quelques tentatives assez maladroitement combinées avec des aventuriers indigènes n'aboutirent à rien de sérieux; un agent parlant l'arabe, qui était probablement l'explorateur Gérard Rohlfs, fut signalé à la zaouïa de Nefta en Tunisie. Le fils aîné d'Abd-el-Kader, Mahi-ed-Din, y vint également, noua des intrigues avec un ancien bachagha des Larbâ, Naceur-ben-Chohra, et répandit des appels aux chefs et aux populations. Abd-el-Kader désavoua son fils, mais celui-ci resta à Nefta, s'avança jusqu'à Négrine et annonça son intention de marcher sur Tébessa.

L'insurrection consista en une série de mouvements simultanés sans lien entre eux. Il y eut plusieurs foyers d'incendie, presque tous dans la province de Constantine ou dans son voisinage; la province d'Oran ne prit pas part à l'agitation, apparemment parce qu'elle avait donné tout son effort avec Abd-el-Kader ; les djouad, les chefs militaires, y étaient d'ailleurs moins influents que les cheurfas et les marabouts. Dans la province de Constantine, au contraire, les influences féodales étaient plus puissantes et nous les avions ménagées davantage; elles se sentaient menacées par nos mesures imprudentes et nos déclamations maladroites. D'autre part, les massifs montagneux, si difficiles d'accès, situés à l'est d'Alger, renferment des confédérations berbères composées de guerriers nombreux et redoutables.

 
  386  
Page précédente Retour page Table des matières Page suivante