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Le discrédit de l'autorité militaire, l'impuissance de l'autorité
civile contre les désordres de la rue, avaient révélé le secret
de notre faiblesse à ce peuple qui a la superstition de la force.
Les causes de l'insurrection furent multiples, comme l'indiqua plus
tard l'amiral de Gueydon dans sa déposition : « Une réaction
bruyante contre les condescendances du système impérial envers le
peuple indigène et surtout contre les privilèges et l'autorité
des chefs arabes ; en même temps, une mesure qui blessa
profondément tous les cœurs musulmans, la naturalisation des Israélites
; le spectacle dans nos villes d'autorités françaises méconnues,
insultées, arrêtées même ; l'injure et la menace partout
prodiguées, plus spécialement aux officiers préposés au maintien
de notre domination en pays arabe; le départ pour la France de
toutes les garnisons ; les récits apportés dans chaque tribu par
les tirailleurs algériens échappés à nos désastres ; enfin,
comme dernière manifestation de notre prétendue impuissance,
l'insurrection de Paris, telles sont les causes qui, en surexcitant
au plus haut degré les espérances, ont fait l'insurrection de
1871. »
Les inquiétudes des chefs indigènes étaient suivies et
entretenues par les Allemands, qui, dès le mois de juillet, se
préoccupèrent de nous créer des difficultés en Algérie; ils
envoyèrent sur le littoral de la Méditerranée des espions et des
émissaires; quelques tentatives assez maladroitement combinées
avec des aventuriers indigènes n'aboutirent à rien de sérieux; un
agent parlant l'arabe, qui était probablement l'explorateur Gérard
Rohlfs, fut signalé à la zaouïa de Nefta en Tunisie. Le fils
aîné d'Abd-el-Kader, Mahi-ed-Din, y vint également, noua des
intrigues avec un ancien bachagha des Larbâ, Naceur-ben-Chohra, et
répandit des appels aux chefs et aux populations. Abd-el-Kader
désavoua son fils, mais celui-ci resta à Nefta, s'avança jusqu'à
Négrine et annonça son intention de marcher sur Tébessa.
L'insurrection consista en une série de mouvements simultanés
sans lien entre eux. Il y eut plusieurs foyers d'incendie, presque
tous dans la province de Constantine ou dans son voisinage; la
province d'Oran ne prit pas part à l'agitation, apparemment parce
qu'elle avait donné tout son effort avec Abd-el-Kader ; les djouad,
les chefs militaires, y étaient d'ailleurs moins influents que les
cheurfas et les marabouts. Dans la province de Constantine, au
contraire, les influences féodales étaient plus puissantes et nous
les avions ménagées davantage; elles se sentaient menacées par
nos mesures imprudentes et nos déclamations maladroites. D'autre
part, les massifs montagneux, si difficiles d'accès, situés à
l'est d'Alger, renferment des confédérations berbères composées
de guerriers nombreux et redoutables.
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