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L'ALGÉRIE
PENDANT LA GUERRE (1914-1919) |
En Algérie, les intrigues
allemandes affectaient les formes les plus diverses ;
tantôt c'étaient des savants, naturalistes, géographes,
ethnographes, orientalistes, qui prenaient prétexte de
leurs recherches pour pénétrer dans les milieux indigènes
; tantôt d'inoffensifs acheteurs de moutons ou des
chercheurs de mines, qui disparaissaient tout à coup par
les voies les plus rapides lorsqu'ils se sentaient
surveillés. Les touristes allemands, qu'amenaient en
troupes compactes les beaux navires de la Hamburg-Amerika,
se transformaient en propagandistes bénévoles ; on les vit
un jour faire embarquer, à Alger même, des déserteurs de
la Légion étrangère, sous les yeux des indigènes
stupéfaits de tant d'audace.
Les résultats de toutes ces intrigues furent médiocres. Un
Allemand qui avait essayé de se glisser dans la zaouïa de
Sidi-Ahmed-el-Kebir, près de Blida, en simulant une
conversion à l'islam et en prenant le costume indigène,
fut bientôt dénoncé par les musulmans eux-mêmes. Le
savant Frobenius, qui s'était installé dans un village
kabyle peu de temps avant la guerre, ne parlait aux
indigènes que le revolver au poing et ne leur laissa pas de
bien bons souvenirs. Le baron von Oppenheim s'était
efforcé sans plus de succès de travailler les confréries
religieuses.
C'est en Algérie que furent tirés les premiers coups de
canon de la grande guerre. Le 4 août 1914, au lever du
jour, deux navires de la flotte allemande, le Goeben et le
Breslau, se présentaient devant la côte algérienne; le
Goeben bombardait Philippeville, pendant que le Breslau
attaquait Bône ; ils lancèrent une soixantaine d'obus,
tuèrent quelques hommes et occasionnèrent des dégâts
matériels assez importants. Ce bombardement n'était pas un
acte fortuit, mais bien la manifestation d'un plan
longuement mûri; les Allemands espéraient que les coups de
canon du Goeben et du Breslau éveilleraient quelque écho
dans les montagnes kabyles et qu'une insurrection, à
laquelle ils auraient tendu la main en prenant possession
d'un ou de plusieurs ports et qu'ils auraient encouragés de
leurs subsides, viendrait dès le début de la guerre
européenne compliquer notre tâche et entraver la
mobilisation. Il n'en fut rien et le XIXe corps
fut transporté en France sans difficulté. Les Allemands
les mieux informés et les plus perspicaces se rendirent
compte rapidement qu'une insurrection générale de
l'Afrique du Nord n'avait aucune chance de se produire.
L'entrée en guerre de la Turquie, le 29 octobre 1914,
bientôt suivie de la proclamation de guerre sainte, laissa
les musulmans algériens assez indifférents. Pendant toute
la durée de la guerre, des brochures et des proclamations,
dont une faible partie seulement parvint à destination,
furent expédiées par ballots. Une des plus notables de ces
brochures fut celle que publia à Constantinople l'Algérien
BouKabouya, lieutenant de tirailleurs qui avait déserté
devant l'ennemi; ce tract, intitulé L'Islam dans l'armée
française, présentait sous le jour le plus sombre la
situation des indigènes enrôlés sous nos drapeaux. |
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